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Sous-traitance. Les conditions de travail sont plus difficiles chez les preneurs d’ordres
Publié le 28/10/2015
Elisabeth Algava est adjointe au chef du département Conditions de travail et santé de la DARES. Co-auteure d'une étude sur les conditions de travail dans les entreprises sous-traitantes, elle répond aux questions de la rédaction de la revue de l'ANACT "Travail & changement"

Vous êtes l’auteur avec Selma Amira d’une analyse des conditions de travail dans la relation donneurs d’ordres - sous-traitants. Quelle est votre source principale ?
L’enquête « Changements organisationnels et informatisation » 2006-2007, qui vise à mesurer les changements organisationnels et l’évolution de l’informatisation entre 2003 et 2006 côté employeurs et côté salariés. Elle évalue à 18% la part des entreprises d’au moins 20 salariés en situation de « donneurs d’ordres » exclusifs, 4% des sociétés étant à la fois donneurs d’ordres et sous-traitants et 7%, en situation de sous-traitants exclusifs.
Quels sont les enseignements majeurs de cette étude quant aux conditions de travail des salariés ?
Il apparaît que les conditions de travail sont un peu plus difficiles chez les preneurs d’ordres. Les salariés des sous-traitants ont, en moyenne, davantage de contraintes que ceux des donneurs d’ordres en ce qui concerne les horaires et les rythmes. En outre, leur travail s’avère plus prescrit et plus contrôlé. Pour autant, les salariés des entreprises sous-traitantes semblent aussi disposer de certaines marges de manœuvre particulières : ils disent plus souvent contrôler le travail des collègues ou prendre des initiatives pour améliorer le poste de travail.
Qu’en est-il précisément des rythmes de travail ?
C’est sans doute l’un des éléments majeurs de caractérisation des conditions de travail chez les sous-traitants. Ainsi, 36% des salariés des preneurs d’ordres de dernier rang (c’est-à-dire des entreprises qui n’ont pas elles-mêmes recours à la sous- traitance) ont au moins trois contraintes sur leur rythme de travail parmi les suivantes : demande interne ou extérieure obligeant à une réponse immédiate, dépendance vis-à-vis du travail des collègues, délais de production ou normes à respecter en une heure au plus, déplacement automatique d’un produit ou d’une pièce, pointes d’activité quotidiennes et imprévues.
La pression sur les rythmes de travail est généralement un facteur d’augmentation des risques d’accidents...
« En cas d’erreur dans leur travail », les salariés des sous-traitants, qui sont plus souvent ouvriers, disent craindre plus souvent que ceux des donneurs d’ordres (51% contre 36%) des conséquences négatives pour leur sécurité ou celle d’autrui. Au demeurant, les statistiques administratives confirment que le taux de fréquence moyen des accidents du travail sur la période 2003-2006 est plus important chez les sous-traitants de dernier rang (37,6 par million d’heures travaillées) que chez les donneurs d’ordres exclusifs.
Propos recueillis par Muriel Jaoüen, article paru dans le n°343 de la revue Travail et changement.
Travail et changement n°243 - Les conditions de travail dans la sous-traitanceAujourd’hui généralisée, la sous-traitance évolue, avec le développement d’une organisation « en cascade ». Pour rendre ce système durable et assurer la qualité du travail, il est nécessaire d’articuler aspects techniques et sociaux en éclairant un paramètre essentiel : les conditions de travail. |
Pour aller plus loin :
- Télécharger le rapport "Sous-traitance : des conditions de travail plus difficiles chez les preneurs d’ordres" - DARES
- Retour video sur la conférence européenne ''Améliorer les relations donneurs d'ordres/sous-traitants dans le secteur industriel''
- 10 propositions pour des pratiques de sous-traitance qui intègrent les conditions de travail
- Les études, recherches et statistiques de la DARES
- Le dispositif d'enquêtes sur les Changements Organisationnels et l'Informatisation (COI)