Sortir du cadre pour repenser les liens entre santé et travail
Un récent colloque qui s’est tenu au Sénat renouvelle l’approche de la santé au travail. Se centrer sur le travail réel permet de repenser le lien entre santé des salariés et performance de l’entreprise.
Actualité - Publié le 03 mars 2016 - Modifié le 29 juin 2024
Les pathologies de l’engagement (souffrance, stress, risques psychosociaux) explosent au moment où, dans une économie plus immatérielle et plus orientée vers le service, le travail est devenu de plus en plus invisible. Ce paradoxe invite à renouveler nos cadres de pensée et d’action en matière de prévention de la santé au travail. C'est ce qu'a souligné François Hubault, maître de conférences en ergonomie à l’université Paris-1, en introduction du colloque «Santé et travail : repenser les liens », organisé par l’association Travail Santé Société Territoires (TSST) le 29 janvier 2016.
Redonner au travail réel la visibilité qu'une logique gestionnaire peut lui dénier
C'est ce qu’explique Christophe Dejours, psychiatre et psychanalyste, titulaire de la chaire « psychanalyse, santé, travail » au Conservatoire national des arts et métiers. Son intervention a souligné que piloter une organisation uniquement par les chiffres conduit à une perte de sens, à la concurrence entre salariés et, in fine, à la multiplication des phénomènes de souffrance au travail. ll est pourtant possible de sortir de ce cercle vicieux. « Des expériences ont été menées qui ont restauré les différentes formes de coopération nécessaires à la réalisation de soi par le travail. Cela passe par des espaces de délibération sur le travail, par le management du travail » souligne Christophe Dejours.
Critique également, de l’approche gestionnaire du travail, par Olivier Blandin, économiste au laboratoire d’intervention et de recherche ATEMIS (analyse du travail, des mutations industrielles et des services). Selon lui, le modèle gestionnaire traduit une « méconnaissance profonde des questions économiques qui conduit à laisser de côté tous les leviers de création de la valeur ». Par exemple, toutes ces « ressources immatérielles (compétences, engagement) qui ne se développent que dans l’activité de travail. « Il y a un enjeu de gestion à potentialiser la ressource qu’est le travail », conclut l’économiste.
Lier santé mentale et performance économique
Plusieurs entreprises ont compris l’intérêt à repenser le lien entre performance de l’entreprise et santé mentale des salariés en redonnant une place centrale au travail réel. Le colloque a permis d'entendre le témoignage de la Compagnie du Vent, par la voix de sa Directrice des Ressources Humaines, Jeanne Durand. Autre témoignage, celui de Marc Morelle, chef d’entreprise à la tête de plusieurs magasins Biocoop à St Brieuc. Il a conduit avec l’Aract Bretagne une démarche de prévention des RPS centrée sur « le travail concret » dont il est très satisfait. « Le cycle de la performance commence par la satisfaction au travail : mon boulot me plaît, donc je suis en forme, donc je fais bien mon travail, donc les clients reviennent parce qu’ils ont été bien accueillis ».
Même pour des entreprises au départ réticentes, l’application des principes de la psychodynamique du travail a réduit de façon spectaculaire le stress des salariés, comme le raconte le Dr Nathalie Debry, médecin du travail au sein de l’association ARCSVT35. Et, dans un secteur très concurrentiel, la performance est au rendez-vous.
Le colloque en intégralité
Découvrir l'ensemble des communications du colloque "Santé et travail : repenser les liens" sur le site de l'association Travail santé société territoires.