Semaine de 4 jours : retours d’expérience d’entreprises occitanes
Dans le cadre d’une action pilotée par le CJD (Centre des jeunes dirigeants), l'Aract Occitanie accompagne, avec des consultants, des entreprises intéressées par la semaine de 4 jours. Retour sur cet accompagnement avec Philippe Contassot, chargé de mission.
Actualité - Publié le 27 octobre 2023 - Modifié le 07 juin 2024
Qu’est-ce qui pousse les entreprises à changer leur organisation pour passer à 4 jours de travail ? Quels sont les éléments de méthode avant de se lancer ? Certaines sont déjà en phase d'expérimentation, d'autres s'interrogent encore. Interview de Philippe Contassot, chargé de mission.
Qu’est-ce qui caractérise la semaine de 4 jours ?
Le principe c’est que le travail s’organise sur 4 journées au lieu de 5. Deux formats sont possibles, soit une réduction du temps de travail et un passage aux 32 heures, soit une réorganisation du temps de travail sur la base de 34, 35 ou 36 heures de travail sur 4 jours, on parle alors de semaine de travail comprimée.
Les impacts sur le salarié ne sont à priori pas les mêmes. Il faut dans tous les cas rester vigilant et poser la question de la soutenabilité du travail notamment en cas de journées de 8h45. Il est donc important d’évaluer dans la durée les effets d’une telle organisation et de se donner la possibilité d’ajuster, voire de revenir en arrière. Après plusieurs années de semaine comprimée, une entreprise de logistique d’Auvergne Rhône-Alpes est repassée à 5 jours suite à une hausse des accidents du travail.
Pourquoi passer à la semaine de 4 jours ?
Pour les entreprises, cela permet parfois de répondre à des demandes de salariés et de travailler les questions de qualité de vie au travail, d’attractivité ; cela donne aussi une image innovante. Le passage aux 4 jours peut aussi répondre à des enjeux d’optimisation de la production (améliorer le taux de rendement des machines, faciliter certaines opérations de maintenance,…) ou à des préoccupations écologiques.
Je pense à une biscuiterie d’une vingtaine de salariés installée dans le Tarn. Elle expérimente une semaine de travail comprimée avec le souci d’améliorer la qualité de vie de ses employés. Cette organisation lui permet aussi de réaliser des économies d’énergie. Les fours sont allumés seulement 4 jours dans la semaine et leur maintenance a lieu lors de la journée off. L’entreprise consomme moins et gagne en productivité. Le retour des salariés est positif, ils travaillent 30 mn de plus par jour mais estiment gagner en repos et en qualité de vie.
Du point de vue de la méthode, quels sont les points d’attention ?
Ce type changement doit s’appuyer sur une dynamique sociale positive, participative en lien avec le dialogue social. La capacité à se parler des impacts d’une telle réorganisation - de ce qui fonctionne ou de ce qui pose problème - est un point central. En matière de méthode, il est utile de démarrer par un diagnostic portant sur l’opportunité et de la faisabilité d’une telle organisation : quels enjeux et quels risques sur les aspects économiques, les questions d’organisation et de conditions de travail ?
En fonction de cet état des lieux, il faut ensuite définir avec les personnes concernées les modalités de l’expérimentation de la semaine des 5 jours : quel scenario d’organisation expérimenter concrètement ? Quel système de suivi et d’évaluation ? Ensuite, il faut tester concrètement la nouvelle organisation et l’ajuster si besoin en s’appuyant sur les retours des salariés, manageurs, représentants du personnel. Dans l’Hérault, une entreprise de technologie innovante propose, depuis la pandémie, une semaine de 32 heures sur 4 jours pour sa trentaine de salariés. Après 3 ans d’expérimentation et de tâtonnements, un accord a été signé. Les salariés sont présents les mardis, mercredis et jeudis et choisissent leur journée de repos entre le lundi et vendredi.
La biscuiterie du Tarn a fait, elle, le choix d’un ajustement continu. La direction va dans les ateliers, les échanges sont nombreux, la proximité réelle. Sur la totalité des entreprises suivies dans le cadre du projet mené avec le CJD et après les premières étapes, beaucoup ne passeront pas aux 4 jours, mais toutes ont ouvert une réflexion sur l’organisation du temps de travail.
4 points d’attention sur la semaine de 4 jours
Si la semaine de 4 jours peut être source d’innovation, plusieurs points d’attention sont à prendre en compte en amont et pendant son déploiement, parmi lesquels :
- La charge de travail : la semaine de 4 jours peut se traduire par une intensification du travail avec des effets sur la santé et l’usure professionnelle.
- Les relations de travail : avec le passage à 4 jours (et plus encore en cas de télétravail), et selon les formules choisies, les équipes peuvent avoir moins d’occasions de travailler ensemble. Il convient de chercher les façons de soutenir les coopérations - formelles et informelles - et des façons de maintenir ou de développer la qualité du travail dans la nouvelle organisation.
- L'articulation des temps de vie (vie professionelle / vie personnelle) doit faire l'objet d'une attention particulière notamment dans le cas d'un allongement des journées de travail.
- Les questions d’équité doivent également être prises en compte, en particulier quand le passage aux 4 jours ne concerne qu’une partie des services.