Robotique et conditions de travail : interview de Jean-Yves Benaiteau
A l'occasion de la sortie du Travail et changement "Comment bien conduire au projet de conception", Jean-Yves Benaiteau, consultant en innovation, performance industrielle et expert en robotique s'exprime sur la robotique et les conditions de travail. .
Actualité - Publié le 14 avril 2016 - Modifié le 12 juin 2024
Comment la robotique prend-elle (ou pas) en compte la question des conditions de travail ?
Sur le constat général, je resterai prudent : la question des conditions de travail est encore abordée de manière implicite, et sans doute davantage sous l’angle du résultat que de l’objectif. Je travaille principalement sur deux créneaux : la mise en place de robots dans les PME et le transfert de technologies, notamment en robotique collaborative. Aujourd’hui, beaucoup de projets relèvent de problématiques de manutention relativement simples et séquentielles. Il s’agit pour l’essentiel d‘implanter des robots destinés à intervenir sur des séries longues pour remplacer la main d’œuvre humaine sur des tâches très répétitives. Avec, de ce fait, un effet généralement positif sur les conditions de travail. Pour autant, cette affectation des robots sur les opérations que l’homme peut effectuer de manière routinière peut avoir un effet plus négatif : celui de reporter les tâches les plus complexes sur les opérateurs de manière concentrée.
La robotique doit-elle prendre en compte le travail réel de l’opérateur ?
Je citerai ici l’anecdote – bien connue dans nos métiers – d’une fromagerie qui confia à un robot la simple mise en caisse de ses fromages. Au bout d’un moment, les caisses lui revenaient de manière alarmante. Le problème : le robot n’avait pas été prévu pour apprécier la texture, la couleur, le parfum, l’humidité des fromages (alors que l’opérateur le faisait très naturellement). C’est donc une étape implicite du contrôle qualité qui se trouvait occultée. Ceci illustre bien que la prise en compte du travail réellement réalisé par l’homme conditionne la réussite de l’intégration robotique.
En quoi les nouvelles technologies sont-elles susceptibles de changer la donne ?
Elles ouvrent la voie à une robotique flexible et collaborative, permettant aux appareils de réaliser une plus grande variété de tâches en lien avec l’opérateur. Dès lors, on quitte un monde de séparations où l’agent et le robot travaillent chacun de son côté, et on entre dans des organisations où les interactions homme/machine renouvellent les possibilités d’organisation du travail. Ce qui pose de nouvelles questions en matière de conditions de travail : comment les opérateurs vont-ils s’engager dans ces schémas d’exploitation des robots ? Mais de manière plus générale — la question de la robotique appelant nécessairement celle des organisations —, on doit pouvoir l’envisager de manière concertée, comme un levier ouvrant des marges de manœuvre pour l’amélioration des conditions de travail.
Vous souhaitez découvrir l'intégralité du Travail & changement "Comment bien conduire un projet de conception" ? Rendez-vous sur l'article de présentation.