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Risques psychosociaux: repenser l'organisation et le contenu des fonctions

Cas entreprise Mecabourg

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La réussite des projets d’innovation sociale ou économique dépend en grande partie de la représentation que les différents acteurs ont, a priori, de telle ou telle situation dont on vise l’amélioration. Car en effet, tout le monde dans une entreprise ne met pas les mêmes réalités derrière les mêmes mots. Il est donc nécessaire de travailler ensemble à l’élaboration des contenus des diverses notions, notamment celles qui sont déjà définies par le législateur, pour convenir de la meilleure façon de les traduire dans la lecture des situations à transformer. Il en va de même de certaines fonctions, par exemple le "chargé d'affaire". À cet égard, la formation-action est l’une des clés d’appropriation des connaissances et outils pour agir efficacement et dans la durée.

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Qui ? 

Ce Gestionnaire de réseaux électriques développe les réseaux en s’assurant de leur qualité et de leur sûreté. Le secteur ingénierie, concerné par la démarche, compte 150 salariés (chargés d’affaires). Il est responsable de l’étude, du suivi et de la réalisation des travaux de création, du renouvellement des réseaux ainsi que de l’alimentation des nouveaux clients. On peut considérer qu’il occupe une position de maîtrise d’œuvre pour le compte de divers types de clients (architectes, promoteurs ou particuliers). Il travaille en relation étroite avec de nombreux partenaires allant des collectivités à des prestataires de services.

Quel était le problème à régler ?  

La sollicitation de la direction régionale de l’entreprise a été initiée par les représentants du personnel au comité d’entreprise. Elle a pour origine une procédure d’alerte concernant la charge de travail des chargés d’affaires du site de Lille. La direction considère que les problèmes liés à la charge de travail ont fait l’objet d’une analyse et de mesures correctives qui permettront une atténuation progressive du problème. Elle est donc plutôt demandeuse d’une formation permettant un partage des représentations sur les risques psychosociaux (RPS) ainsi que d’outils pour les appréhender en interne.

Qu’ont-ils fait ?  

La démarche déployée s’inscrit dans un cadre plus large que celles déjà engagées par l’entreprise (enquête, actions correctives…) et des limites éprouvées. Une formation-action alternant une phase d’apport de connaissances et d’outils et une phase de recueil de données sur le terrain permettait de répondre à cet objectif de partage, de dialogue et d’appropriation.

Les divergences de vue entre encadrement et instances représentatives du personnel ont conduit à mettre l’accent sur une représentation partagée des RPS et l’expérimentation d’outils, sur la situation de travail des chargés d’affaires, les situations à risques auxquelles ils sont exposés. Enfin, la mise en œuvre d’un plan d’amélioration était une condition de mise en place de la démarche.


Deux niveaux d’action:

• Un Comité Paritaire de suivi (directeur régional, DRH, encadrement du secteur ingénierie, organisations syndicales). Mis en place à l’occasion de l’alerte posée sur le secteur, il valide et suit la démarche jusqu'à la mise en œuvre.

• Deux groupes d’une dizaine de salariés répartis entre encadrement et représentants du personnel pour la formation. Le médecin du travail (interne) participait à l’un des groupes.


La formation-action s’appuie sur une première phase de pré-diagnostic validée dans le cadre du comité de suivi ayant donné lieu à la production d’hypothèses:

1. La réalisation du chantier dans de bonnes conditions est liée à un nombre de paramètres importants et fluctuants dont le chargé d’affaires n’a pas toujours la maîtrise: qualité des coordinations entre les intervenants, compétences des prestataires retenus, exigences des collectivités, respect des délais à tous les échelons et à toutes les étapes, d’aléas de toute nature, y compris climatiques, qui auront des répercussions en chaîne sur le processus.

2. La reconnaissance de son travail est essentiellement liée au résultat du travail, en qualité et en délai, alors même qu’il n’a pas toutes les clés du succès.

3. La compétence du chargé d’affaires ainsi que le soutien de la hiérarchie et des collègues jouent comme «facteurs facilitants» ou «aggravants» de sa charge de travail, et par conséquent des «situations à risques» auxquelles il est exposé.

4. La qualité de son travail dépend de celle des interfaces et des coordinations internes.

5. L’exigence de réactivité liée à la réalisation des chantiers suppose que le chargé d’affaires dispose de marges de manœuvre suffisantes pour gérer les aléas.


La formation a permis de mettre en discussion ces hypothèses. Le modèle du réseau Anact-Aract permettant d’appréhender la charge de travail (charge prescrite, charge réelle, charge vécue) a donné du sens aux différences de perceptions et à la difficulté à trouver un accord sur ce point. L’activité de « régulation » de la charge et la nécessité de la penser dans l’organisation (encadrement, équipe, prestataires, chargé d’affaires) s’est trouvée légitimée aux yeux de tous.

Différents outils ont été testés: entretiens et écoute active (grille proposée), l’outil des «situations-problème» proposé par le réseau Anact-Aract. Des outils pour la synthèse et la mise en forme des analyses ont également été conseillés. Le recueil de terrain est réalisé par binôme encadrement/IRP avec des consignes permettant de limiter les biais liés au manque de distance ou à la hiérarchie. Les variables d’expérience et de taille de l’agence ont été retenues pour constituer un échantillon d’environ 20 chargés d’affaires. Ainsi des différences notables ont pu être concrètement constatées entre l’exposition aux risques des salariés expérimentés (séniors) et des salariés peu expérimentés.

Pour quels effets ?  

Au terme de la restitution des travaux, on peut considérer que tant le travail de partage des représentations que celui de la mise en débat du travail des chargés d’affaires ainsi que de leur charge de travail est atteint.

La question de la structuration du matériau recueilli permettant de remonter aux facteurs de risques et aux situations à risques s’est avérée plus complexe à appréhender du fait de la complexité des données. Certains groupes étaient toutefois parvenus à réaliser un premier travail de mise en forme. La mise en forme finale a été réalisée par l’intervenant extérieur et restitué au comité de suivi avec six pistes d’amélioration (interfaces internes et outils de gestion, analyse des compétences et transfert, outils et espaces de travail, reconnaissance symbolique et financière, indicateurs de santé) et débattue en présence du directeur régional.

Une «batterie» de situations-problème continuera d’être exploitée, elle semble représentative de l’ensemble des problèmes du service. Le comité paritaire continue à suivre l’action.

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