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Prévention du risque chimique : de la nécessité d’en avoir une représentation précise et large pour mieux agir

Cas entreprise Mecabourg

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De l’aveu de certains exploitants agricoles, l’usage de « certains produits rendent malades : diarrhées, cancers dans leur entourage, malformations fœtales… ». Le mouvement grandissant vers une agriculture responsable résulte donc d’une prise de conscience des conséquences des produits phytosanitaires sur la nature et la santé. Or tous les intervenants dans l’activité culturale n’ont pas la même représentation de la nature des effets directs et indirects de ces produits, et encore moins des moments et des espaces à risques au long de leur pratique journalière.<br> Cette étude-action a aidé des exploitants à savoir identifier le risque CMR au-delà de la seule phase de plantation. Une démarche de prévention qui bénéficie aussi aux salariés saisonniers souvent peu sensibilisés sur le sujet.

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Qui ? 

L’intervention porte sur quatre exploitations agricoles liées entres elles par une appartenance commune à une association qui a pour mission de développer une « agriculture responsable », c’est-à-dire soucieuse des problématiques de santé publique, d’environnement et de santé professionnelle, surtout avec l’usage des produits phytosanitaires. Ces exploitations familiales disposent d’une surface allant de 138 à 292 ha, ce qui les classe parmi les 20% d’exploitations françaises ayant les plus grandes surfaces agricoles utiles (SAU). Leurs cultures communes sont: la pomme de terre (généralement la culture principale), les légumes (betteraves, épinards, haricots) et les vergers pour deux des quatre structures.

Quel était le problème à régler ?  

L'Aract a sollicité l'association afin de trouver des exploitations agricoles désireuses d'intégrer une étude-action sur le processus de construction sociale du risque CMR.

Intéressé par la démarche, un exploitant déjà en procédure de certification ISO 14 000 a organisé, avec trois autres exploitants, une rencontre à l’issue de laquelle différentes demandes ont été formulées:

- Les aider à réduire leur consommation de produits phytosanitaires.

- Évaluer leur façon de faire pour diminuer les risques et les aider à changer de modèle.

- Échanger sur leurs pratiques et diffuser les résultats à l’ensemble des membres de l’association en quête d’un nouveau mode d’exploitation sans phytosanitaires.

Qu’ont-ils fait ?  

L’étude-action s’est déroulée selon 3 phases:

1. Réalisation d’un « état des lieux » des risques CMR et de la démarche de prévention dans les quatre exploitations 2. Approfondissement de la compréhension de la construction de la prévention dans des situations de travail précises et d’exposition au CMR et accompagnement des exploitants dans l’effort d’optimisation de leur démarche de prévention, à travers l’identification de pistes de travail spécifiques.

3. Validation méthodologique et bilan de la démarche.



La présente restitution est un zoom de la phase 2:



À la suite des résultats de la première étape, les axes d’étude (qui ont servi de trame à la réalisation de la phase 2) ont été ajustés et redéfinis de manière plus précise:

1 L'étude du processus de décision de traitement: comment cela se construit-il? quelle est l'influence de différents acteurs de prescription et de conseil? 2 L'analyse des représentations des acteurs: la manière dont les CMR s’imposent, se discutent, se vendent, se rédigent, se consignent…

3 L’analyse des écarts entre la prescription et les réalités de terrain, sur 2 cultures : les vergers et la pomme de terre.



La seconde phase a ainsi consisté à:

4. Approfondir la compréhension de la construction de la prévention dans des situations précises de travail et d’exposition au CMR, à partir d’une démarche d’analyse ergonomique du travail alliant observations et entretiens.



On s’est intéressé notamment à:

• l’activité des salariés exposés, en prenant en compte notamment l’ensemble de déterminants du travail susceptibles de modifier l’exposition (ambiances physiques, efforts physiques, incidents, process industriel…etc.);

• la perception du risque par les différents acteurs au travers des entretiens et des auto-confrontations collectives.

5. Étudier le processus de décision de traitement, l’influence des différents acteurs (et leurs répercussions sur la prévention du risque CMR).



Concrètement, la démarche méthodologique a consisté en:



6. Des entretiens:

• avec l’ensemble des exploitants, salariés et membres de la famille travaillant sur les exploitations afin d’analyser leur représentation du risque CMR;

• avec les principaux acteurs externes identifiés afin de comprendre leur influence sur la prévention du risque CMR et leur représentation.

7. Des observations ciblées et selon les hypothèses définies, sur des situations de traitement fongicides de vergers et de culture de pommes de terre.

8. Des mesures et prélèvements métrologiques lors de situations de thermo-nébulisation et d’épandage de phytosanitaires sur des cultures de pomme de terre et haricots verts. Plus précisément, il a été réalisé des mesure:

• de fréquence cardiaque;

• de révélation de l’exposition à l’aide de fluorescéine;

• d’exposition cutanée afin d’identifier les composés chimiques présents sur les mains de l’opérateur au fil des manipulations et d’observer les variations;

• de contamination de surface sur des éléments du pulvérisateur (volant, joystick, poignée de porte du tracteur), des équipement de protection individuelle (EPI) , particulièrement l’intérieur des gants, des locaux professionnels et privés (porte de la maison, toilettes/local de stockage des produits phytosanitaires, bureau…).

9. Une séance d’auto-confrontation avec les exploitants et salariés à partir de vidéos portant sur des situations de préparation de bouillie, de traitement et de nettoyage.

Pour quels effets ?  

Les premiers éléments d’analyse mettent en évidence que la représentation du risque CMR par les agriculteurs est centrée sur l’utilisation directe du produit, à savoir le traitement, plus précisément la préparation et l’application. Ainsi, en dehors de la phase de traitement, très peu identifient les autres phases du cycle cultural susceptibles d’être exposantes telles le tri, le (dé)stockage des pommes de terre, le traitement et la plantation des semences, la thermonébulisation…



Au-delà de cette phase du cycle cultural, encore moins d’agriculteurs identifient d’autres situations susceptibles d’être exposantes : par exemple, la réparation par soudure de pièces d’engins, l’application d’antiparasitaires… Leur représentation de l’exposition semble donc figée dans le temps (à la phase de traitement) et dans l’espace ( à l’utilisation directe des produits). Par ailleurs, on constate que plus les personnes sont « loin du produit » (absence de manipulation directe, de connaissance du fonctionnement d’une exploitation : saisonniers, salariés non issus du milieu agricole), plus leur représentation des situations d’exposition est restrictive. D’où la corrélation entre la prise de conscience du risque et la proximité des phases d’utilisation directe des produits (ce qu’ils se représentent comme « étant le risque CMR »).



Après les premiers résultats d’analyse portant sur les représentations mais également sur l’influence du système d’acteurs et l’analyse des écarts entre prescription et réalité terrain, il a été décidé, en concertation avec les exploitants, de travailler sur deux situations caractéristiques de leur choix. Les pistes d’amélioration résultantes alimenteront les préconisations qui seront proposées aux agriculteurs pour une expérimentation.

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