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Prévention des risques psychosociaux dans la fonction publique : une étude pour passer du diagnostic au plan d’action

Philippe Douillet

Fin 2017, l’Anact a remis à la DGAFP une étude sur la prévention des risques psychosociaux dans la fonction publique. Elle souligne que la prise de conscience et les connaissances sur le sujet ont beaucoup progressé, mais que de réelles difficultés persistent dans la mise en œuvre de plans d’actions de prévention primaire qui s’inscrivent dans la durée. Interview de Philippe Douillet, chargé de mission à l’Anact.

 

Pouvez-vous préciser dans quel contexte et pourquoi cette étude a été menée  ?  

La fonction publique connaît des bouleversements importants de son cadre d’action et de son environnement couplés à une réduction importante des moyens de fonctionnement.  

Dans ces contextes de transformation, les agents vivent souvent des situations de perte de repères sur le sens de leurs missions, sur leur cadre de travail et rencontrent des difficultés grandissantes pour faire leur travail d’agents au service du public. Il convient aussi d’indiquer que les services publics sont en premier lieu concernés par toutes les transformations de la société et par certaines formes d’évolution des relations sociales avec des questions significatives de violence et de précarisation. Tout cela explique que la question des risques psychosociaux soit devenue une préoccupation majeure des décideurs et acteurs sociaux de la fonction publique.  

C’est dans ce contexte que les partenaires sociaux nationaux de la fonction publique ont signé un accord sur la prévention des risques psychosociaux (RPS) en 2013, grandement inspiré par l’accord sur la prévention du stress au travail dans le secteur privé. Dans ce cadre, outre des bilans quantitatifs réguliers, il était prévu un bilan qualitatif des démarches  : la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) a sollicité en 2016 l’Anact pour le réaliser. 

Quelle a été la méthode choisie pour réaliser cette étude  ?  

L’étude a été menée sur la base de l’analyse des interventions réalisées par le réseau Anact-Aract sur le sujet des  risques psychosociaux, l’analyse de questionnaires qualitatifs diffusés dans tous les ministères et services publics ainsi que des entretiens auprès de nombreux acteurs-relais impliqués dans des démarches de prévention. Par la diversité des sources, nous avons ainsi pu croiser différents points de vue.  Précisons que notre analyse ne visait pas à mesurer les effets directs des démarches de prévention en termes de santé - toujours difficiles à saisir - ; elle s’intéressait à la qualité des démarches de prévention elles-mêmes. C’est donc essentiellement la qualité d’installation, du pilotage et de conduite des démarches qui étaient interrogées. L’objectif  consistait à construire des hypothèses sur les forces et les faiblesses des démarches engagées, repérer les points de blocage et les leviers d’action pour proposer des pistes de prévention.

Comment la fonction publique prend-elle en compte la question de la prévention des RPS ?  

La prise de conscience et les connaissances des enjeux de santé mentale et des liens avec le travail ont beaucoup progressé parmi les acteurs de la fonction publique. La plupart des structures administratives de taille moyenne ou plus ont réalisé un diagnostic, et on note une élévation des niveaux de prise de conscience et de formation des encadrants. Dans beaucoup de structures, une forme de parole a été libérée sur les conditions de travail.  

Dans la plupart des cas cependant, la démarche s’est arrêtée là : on note une difficulté générale à dépasser le stade du diagnostic et à passer à l’action. Si, toutefois, des plans d’actions sont élaborés, ceux-ci restent essentiellement tirés vers des actions de prévention secondaire ou tertiaire : cellules d’écoute, formation à la gestion du stress, actions visant à faciliter la communication entre les agents, formation de l’encadrement. Il reste difficile de traiter des questions d’organisation du travail et de management. 

Quelles sont les principales forces et difficultés identifiées  ? 

Comme dans le secteur privé, après une phase de forte mobilisation et de réalisation de diagnostics souvent pertinents, la fonction publique rencontre des difficultés de passage au plan d’actions et des formes d’essoufflement des démarches. On constate un risque de cloisonnement du sujet « RPS » qui reste dans le champ des acteurs de la prévention avec une vision plutôt réparatrice ainsi que des difficultés à interroger les décisions majeures de conduite et de transformations des services - qui, pourtant, impactent fortement le travail. Ce phénomène s’explique en partie par des fonctionnements encore très centralisés, des conduites de changement très nombreuses en parallèle, des cloisonnements forts entre services, des marges de manoeuvre réduites au plan local et un défaut de culture sur les questions d’organisation… Pour autant, la fonction publique dispose aussi d’atouts pour s’engager dans ces voies : la possibilité de combiner des actions de niveaux national et local, un certain renouvellement des pratiques managériales, le développement de structures d’appui internes en matière d’organisation et de conditions de travail avec des mutualisations possibles d’outils et méthodes.

Quels sont les principaux leviers à activer pour poursuivre la dynamique engagée ? 

Le soutien aux acteurs de prévention par la mise en réseau est une piste d’action à encourager. Elle permet de rompre l’isolement  : des espaces et des temps d’échanges de pratiques et de retours d’expériences sont importants pour soutenir la dynamique des porteurs de projet. Une bonne articulation entre le niveau national et le niveau local est aussi nécessaire. Les ministères peuvent avoir un véritable rôle d’impulsion. La formation initiale et continue des acteurs et notamment de l’encadrement est une condition sine qua non pour réussir la démarche. Enfin, le développement d’outils et méthodes d’évaluation ouvre souvent de nouvelles pistes d’actions et favorise une reprise de la dynamique de prévention.

Pour en savoir +

Consulter les Cahiers des risques psycho-sociaux n°30 décembre 2017

Vidéo

Le 16 mars 2018, l'École du management et des ressources humaines a organisé la journée "La qualité de vie au travail : prévention des risques, innovations, bonnes pratiques européennes et internationales". 

L'Anact, représentée par Philippe Douillet, est intervenu sur le thème "Fondamentaux pour installer une démarche QVT dans les administrations : diagnostic et méthode".

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