Orange signe un accord sur la charge de travail inspiré des travaux de l'Anact
Juin 2016, Orange a conclu un accord sur la charge de travail. Sa méthodologie sur l’évaluation et l’adaptation de la charge de travail s’appuie sur la démarche développée par l’Anact.
Actualité - Publié le 09 septembre 2016 - Modifié le 12 juin 2024
Comment évaluer l’équilibre ou le déséquilibre de la charge de travail ? Pourquoi est-il important de la réguler ? A quel moment doit-on intervenir ? De quels moyens, humains et matériels l’entreprise se dote-t-elle pour équilibrer la charge de travail ?
Autant de points abordés dans "l’accord de méthodologie sur l’évaluation et l’adaptation de la charge de travail" signé le 21 juin 2016 par la direction d’Orange et trois organisations syndicales (CFDT, CFE-CGC et FO).
Cet accord est le résultat d’une négociation qui vise à développer la qualité de vie au travail, engagée dans un contexte de baisse des effectifs et de transformation forte des métiers. « Nous avons retenu l’approche de l’Anact, qui nous était déjà familière car elle était présente dans nos précédents accords (organisation du travail et prévention des RPS). Sur une réalité aussi subtile que la charge de travail, c’est celle qui nous paraissait la plus pertinente », explique Anne Le Fur, directrice de l’environnement du travail chez Orange.
Le modèle Prescrit-Réel-Subjectif
En quoi consiste cette méthodologie ? Il s’agit du modèle « PRS » (Prescrit-Réel-Subjectif). « L’Anact a construit ce modèle pour permettre aux acteurs – management et salariés – de discuter de la charge de travail et mettre en lumière les contraintes et les difficultés de chacun, indique Thierry Rousseau, chargé de mission à l’Anact et auteur de l’ouvrage « Agir sur la charge de travail ». Sollicité par Orange au démarrage des négociations, il a présenté le modèle PRS lors d’une réunion rassemblant la Direction, les ressources humaines et les organisations syndicales.
Ce modèle approche la question de la charge de travail dans ses trois facettes :
- La charge de travail prescrite
Ce qui s’impose au salarié, tant du point de vue qualitatif et quantitatif et dont l’exécution est vérifiée par le management
- La charge réelle
La façon dont sont reçus les objectifs prescrits et dont ils sont transcrits pour les atteindre (régulations, compromis, etc.)
- La charge subjective ou ressentie
L’évaluation que le salarié fait de sa propre situation.
« La façon dont le salarié se représente sa charge varie fortement selon qu’existent ou pas des mécanismes de reconnaissance. Même lourde, une charge de travail sera vécue positivement si elle fait l’objet d’une rétribution et d’une reconnaissance conséquente », souligne Thierry Rousseau.
Discuter du travail
Ce modèle est expérimenté par l’Anact depuis maintenant plusieurs années. C’est en s’appuyant sur celui-ci qu’Orange a donné dans son accord une traduction opérationnelle aux problématiques de charge de travail identifiées.
L’accord précise ainsi à quels moments se fait l’évaluation de la charge de travail : en amont d’un projet, en cas de déséquilibre, dans le management quotidien. Pour y parvenir, les managers disposent de guides annexés à l’accord. « Nous avons voulu faire une boîte à outils. Chaque guide se présente sous forme de questionnement, avec toujours la logique réel/prescrit/subjectif. Par exemple, je suis chef de projet, quelles questions je me pose sur les changements que le projet va introduire sur le travail ? Nous avons aussi outillé le manager en situation d’entretien annuel. Plusieurs questions sont maintenant introduites pour ouvrir une discussion sur le travail avec chaque collaborateur », précise Anne Le Fur.
Des espaces de discussion sur le travail à un niveau collectif sont également prévus (inspirés des préconisations de l’Anact sur l’expression des salariés). Mais surtout, la direction souhaite que les discussions sur le travail se développent au quotidien, intégrées aux réunions d’équipe.
Un module « Réorganiser l’activité avec son équipe » a été élaboré dans cette optique, à l’attention du management. Par ailleurs, la direction de l’environnement du travail est en train de produire un module destiné aux salariés pour les accompagner dans cet exercice d’expression sur le travail.
De l’implicite à l’explicite
Destiné à couvrir près de 100 000 salariés aux métiers très divers, cet accord de méthodologie est en phase de partage par l’ensemble des acteurs de l’entreprise. Les moyens et ressources dont dispose l’opérateur – 280 CHSCT, un réseau de préventeurs, des responsables de l’environnement du travail – devraient faciliter son appropriation.
Pour Thierry Rousseau, l’accord d’Orange montre bien l’intérêt de la méthode d’analyse de la charge de travail. « Nous observons dans nos expérimentations que la régulation de la charge de travail se fait souvent de façon encore trop implicite. Nous estimons qu’il est incontournable de passer à une régulation explicite, de faire de la charge de travail un vrai objet de négociation dans l’entreprise. C’est tout l’esprit de l’accord d’Orange : discuter de choses le plus souvent passées sous silence ».