L'outil « Analyser ses données sociales »
Informations
Présentation
Pour définir une politique de prévention des risques professionnels, mettre en place une démarche qualité de vie au travail, comprendre les causes de l’absentéisme, ou encore prévenir l’usure professionnelle en favorisant l’emploi des seniors et l’égalité professionnelle, l’analyse des données sociodémographiques est une étape incontournable.
Vous êtes professionnel(le) des ressources humaines ou encore responsable d'entreprise ?
L'outil « Analyser ses données sociales » vous permet de :
- Repérer les activités ou services pour lesquels se posent des problèmes de conditions de travail ;
- Comprendre les effets des conditions de travail sur la santé et les parcours des salariés ;
- Identifier des liens entre les caractéristiques des salariés (niveau de qualification, âge, ancienneté) et les conditions de travail qu’ils rencontrent ;
- Croiser vos données (ex. : relier l'absentéisme de salariés avec leurs activités ou leur ancienneté) ;
- Créer des supports qui traduisent bien les conditions de travail rencontrées par les salariés.
Votre diagnostic sociodémographique en main, vous disposez alors d’un état des lieux permettant l'échange avec les salariés et les représentants du personnel. Ce travail d'analyse commun permet de s'entendre sur les actions les plus pertinentes à conduire et de les adapter aux caractéristiques de la population de l'établissement.
Méthode d'utilisation
L’analyse des données sociodémographiques est une étape préalable à toute démarche de prévention ou portant sur les conditions de travail. Elle permet de mieux identifier quels sont les liens entre les conditions de travail rencontrées par les salariés et des phénomènes observés : absentéisme, AT/MP, inaptitudes, turn-over, etc.
Pour faciliter les analyses qui peuvent se révéler complexes étant donné le nombre important de variables qu’il est possible de mobiliser, l'Anact a développé un modèle pratique qui peut être utilisé et adapté à différents contextes et différentes problématiques. Il s’articule autour de 5 grandes questions qu’il est indispensable de se poser lorsqu’on veut faire un diagnostic sur les conditions de travail.
Sexe, âge et ancienneté des salariés
En premier lieu, il est indispensable de caractériser les salariés de la structure qui peuvent avoir des caractéristiques très diversifiées ou au contraire homogènes. Le sexe, l’âge et l’ancienneté ont souvent des liens importants avec les activités réalisées et conditions de travail rencontrées. Ils peuvent aussi expliquer en partie les phénomènes observés en matière de santé et de parcours professionnels.
Trois facteurs se combinent pour dessiner les profils des salariés d’une entreprise :
- les pratiques internes : le recrutement, les mobilités, le développement des compétences et la gestion des parcours, etc.
- les contraintes externes : le bassin d’emploi, le secteur d’activité, etc.
- les conditions de travail rencontrées : les contraintes physiques et psychologiques, l’exposition aux risques, la pénibilité des postes, etc.
L’identification des profils des salariés est donc une première piste qui permet de mieux comprendre comment ces facteurs se combinent pour déterminer les caractéristiques des salariés.
Pour répondre à cette première question, il est conseillé d’analyser :
- La structure des âges,
- La structure des anciennetés,
- Le répartition femmes/hommes,
- Les autres caractéristiques des salariés.
La répartition des salariés dans les différentes activités
La répartition des salariés dans les différentes activités ne se fait pas au hasard. Par des processus intentionnels ou non, certaines catégories de populations sont sous- ou sur-représentées dans certaines activités, avec un impact potentiel sur la santé (exposition à des contraintes différentes de manière plus ou moins prolongées) et les parcours professionnels (acquisition de nouvelles compétences, possibilités d’évolution plus ou moins facilitées, etc.).
Par exemple, on va retrouver plus de « Seniors » dans un service réputé peu pénible et plus adapté à une population âgée, alors qu’à l’inverse on va trouver une population jeune et peu ancienne dans des services où les conditions de travail sont réputées plus difficiles. Dans un premier temps, il s’agit de définir ce qu’est « une activité » dans l’entreprise et de sélectionner la variable la plus pertinente pour étudier cette dimension, en définissant un découpage des activités qui soit exploitable dans l’analyse des données. Il faut :
- que les différentes activités ne soient pas trop nombreuses : il est difficile de tirer des enseignements s’il existe plusieurs dizaines d’activités différentes.
- être attentif au nombre de salariés dans chacune des activités en évitant dans la mesure du possible les grands déséquilibres (200 personnes dans une activité et 3 dans une autre), sauf s’il existe des activités très spécifiques exercées par un petit nombre de personnes. Dans ce cas, il faut prendre en compte la faiblesse de l’effectif dans les analyses, et éventuellement retirer les activités concernées dans la prése tation des résultats.
On trouve parfois directement la variable qui va permettre de décrire l’activité des salariés dans les fichiers du personnel, mais bien souvent il faut retravailler les variables disponibles pour avoir des groupes d’activités pertinents, en les regroupant. Selon la nature des analyses et le contexte il est possible d’utiliser :
- soit une variable relative au métier (chaudronnier, mécanicien, soudeur),
- soit une variable relative au service ou à l’unité (aciérie, forge, usinage).
Idéalement, le nombre d’activités différentes doit être compris entre 3 et 15, en fonction de la nature des activités et de l’effectif total de la structure. Au-delà de 15, même pour de grands effectifs, il devient difficile de tirer des enseignements des analyses. Pour les grands effectifs, il est aussi possible de définir plusieurs niveaux d’activités : par exemple un secteur (commercial, production, maintenance) et à l’intérieur de ces secteurs des activités plus précises.
Lorsque les activités ont été définies et les variables des fichiers de données adaptées, il est possible de regarder comment les salariés se répartissent dans ces différentes activités.
Exemple de questions à se poser :
- Où sont les salariés jeunes, les salariés âgés, les salariés anciens, les femmes ?
- Les différences entre activités sont-elles importantes ?
- Comment s’expliquent ces différences ? Ont-elles des conséquences en terme de santé et de parcours ?
- Comment s’organise en interne l’accès à certains postes, activités ?
- Pourquoi n’y a t-il pas de seniors dans une activité ? Pourquoi tous les salariés récemment embauchés sont-ils dans le même service ?
- Comment expliquer la répartition sexuée des activités ? Est-ce qu’il y a postes / services auxquels ce sont plutôt des femmes/ des hommes qui accèdent ?
Les conditions d’emploi des salariés
Les conditions d’emploi des salariés (nature du contrat, temps de travail, horaires, durée du contrat, etc.) ne sont pas forcément les mêmes en fonction des activités.
Cette question permet de mieux comprendre certains phénomènes observés (absentéisme, turn- over) et d’interroger la pertinence des choix organisationnels. Elle permet aussi de faire des liens avec les deux questions suivantes : les conditions d’emploi ont-elles un lien avec la santé et les parcours ?
Exemples de questions à se poser :
- Qu’est-ce qui explique les différences en terme de conditions d’emploi ?
- Quelles sont les caractéristiques des salariés qui ont des conditions d’emploi différentes (temps partiel par exemple) ?
- Pourquoi y a-t-il un recours important aux CDD dans tel ou tel service ?
- Est-ce qu’il peut y avoir des conséquences sur la santé et les parcours professionnels ?
L’état de santé des salariés
Pour tenter d’identifier les liens entre conditions de travail et santé, il s’agit à cette étape de croiser les données de santé avec les différentes activités. Il faut choisir la ou les variables étudiées (absences pour maladie, AT,MP, inaptitudes, etc.) en fonction des problématiques et du contexte de l’entreprise.
Cette analyse permet de voir si les problème de santé se rencontrent plus spécifiquement dans certaines activités, et permet de cibler les actions à mettre en oeuvre. Pour éviter les biais dus aux effectifs différents, il est possible de comparer la part que représente une activité dans l’effectif et la part des événements de santé observés dans cette activité.
Il est ensuite possible d’affiner les analyses en cherchant d’autres facteurs explicatifs : l’âge, le sexe, l’ancienneté, les contraintes subies par exemple, en s’appuyant sur les analyses des axes 2 et 3. Il faut être prudent dans l’interprétation de ces résultats car l’état de santé est le résultat de nombreux facteurs et variables qu’il n’est pas possible d’isoler.
Les analyses permettent de faire des hypothèses qu’il faut aller approfondir avec d’autres investigations. Les évolutions dans le temps sont aussi à étudier lorsque cela est possible, en juxtaposant les résultats de plusieurs années consécutives. Cette analyse à travers le temps permettra de distinguer ce qui relève d’événements conjoncturels (ex : épidémie) de ce qui relève d’éléments structurels (ex : accidents de travail toujours plus fréquents dans un service). Enfin, si les données sont disponibles, il est possible aussi de regarder quels salariés sont le plus exposés à certaines contraintes (travail de nuit, gestes répétitifs, port de charge, accueil de public).
Exemple de questions à se poser :
- Peut-on faire des hypothèses sur les liens entre santé et conditions de travail ?
- Pourquoi observe-t-on plus d’AT dans certaines activités ?
- Est-ce que les salariés ayant des restrictions d’aptitudes ou des maladies professionnelles déclarées ont les mêmes activités, les mêmes parcours ?
- Y a-t-il des liens entre les absences et l’âge, l’ancienneté ou le sexe des salariés ?
- Les différences en matière d’absentéisme peuvent-elles s’expliquer par les conditions de travail rencontrées ?
Les possibilités d’évolution professionnelle
Enfin, il s’agit de s’interroger sur les possibilités d’évolution professionnelle des salariés. Ils n’ont pas les mêmes possibilités d’évolution professionnelle en fonction de leur activité, leur sexe, leur âge ou leur ancienneté. Souvent invisibles sans une analyse précise des données, ces différences peuvent avoir des conséquences sur le long terme et leur mise en lumière offre des leviers d’action pertinents.
Il n’est pas évident d’aborder la question des parcours en analysant les données d’une seule année : comme pour les analyses relatives à la santé, il est conseillé d’analyser cette dimension sur plusieurs années pour solidifier les hypothèses. Le fichier des entrées et sorties sur plusieurs années peut par exemple s’avérer utile pour étudier la question des parcours.
Des variables de nature diverses peuvent être mobilisées : ancienneté dans le poste actuel ou dans le niveau de classification, nombre d’action de formation, les promotions, les augmentations, le nombre et les motif des départs etc. Il faut les choisir en fonction du contexte.
Exemple de questions à se poser :
- Quelles sont les stratégies de recrutement ?
- Pourquoi les salariés restent plus longtemps dans un service que dans un autre ?
- Est-ce qu’il y a possibilité d’avoir un parcours professionnel dans l’entreprise ? Si oui, comment ?
- Dans quelles activités réalise-t-on le plus de formations ?
- Est-ce que tout est mis en oeuvre pour garder les gens qui pourraient/voudraient rester ?
- Pourquoi les gens partent ? Est-ce que les mobilités sont accompagnées ?
- Comment est pris en compte l’état de santé des salariés dans la gestion des parcours ?
- Y a-t-il des dispositifs d’intégration ? Sont-ils efficaces ?
Outil excel et fiches pratiques
L’outil ADS est un outil élaboré sur Excel et qui vous permet de recueillir et d’analyser des données sociales et démographiques à partir des fichiers du personnel.
Il permet de réaliser les analyses proposées dans la méthode ADS de l'Anact.
- Sur Windows, il est compatible avec : Excel 2007 (version 12.0) Excel 2010 (version 14.0) Excel 2013 (version 15.0) Excel 2016 (version 16.0),
- Sur Mac, il est compatible avec : Excel 2011 : (version 14.0) Excel 2015 : (version 15.0).
Des compétences de base sur Excel (construire et modifier un tableau croisé dynamique, construire et modifier un graphique) sont requises pour utiliser toutes les fonctionnalités.
Formation
Formation intra-entreprise - Analyser vos données sociales pour réussir votre démarche de prévention
Précautions d'usage
Nous parlons ici d’entreprise ou de structure, mais il est possible de conduire les analyses sur des périmètres différents : un établissement, un site, un groupe. Il n’y a pas de périmètre pertinent a priori, il faut le définir en fonction des questions que l’on se pose et des problématiques. Il est aussi possible de conduire les analyses sur une partie seulement de l’effectif concerné (un site, un secteur d’activité, etc.) pour en tirer des premiers enseignements et élaborer des hypothèses, puis élargir le périmètre et conduire des analyses sur des effectifs plus grands.
Adapter la méthode d’analyse au contexte
Il n’est pas forcément pertinent de répondre à toutes les questions (axes d’analyses). Il est possible que l’une d’entre elles ne soit pas adaptée au contexte, ou que les données ne soient pas disponibles. Si tous les salariés ont les mêmes conditions d’emploi par exemple, il n’est pas nécessaire de faire les analyses de l’axe 3. De même, si tous les salariés concernés par le diagnostic ont la même activité, l’axe 2 aura peu de sens.
Cependant il ne faut négliger aucune question a priori, et savoir pourquoi une question n’est pas traitée.
Faire attention aux variations des données dans le temps
- Le modèle d’analyse et l’outil proposés sont prévus pour analyser les données à un temps T (= photographie à une date précise). Il faut être attentif à la date à laquelle est constitué le fichier et la période qu’il recouvre pour l’enregistrement des absences et des données de parcours (en général sur l’année écoulée précédant la date à laquelle est constituée le fichier). La date de constitution du fichier est d’autant plus importante pour les activités ayant une forte saisonnalité avec des variations d’effectif importantes au cours de l’année.
- Il faut décider de conserver ou non dans les analyses les salariés partis ou arrivés au cours de la période étudiée. Par exemple, si un fichier portant sur l’année 2015 est arrêté au 31/12/2015 : faut-il intégrer dans les analyses les salariés partis et/ou ceux arrivés au cours de l’année 2015 ? Il n’y a pas de réponse a priori à cette question mais il faut bien préciser quels salariés ont été intégrés ou non dans les analyses.
- Certaines variables sont stables ou évoluent mécaniquement avec le temps (sexe, âge, ancienneté), alors que d’autres peuvent évoluer de manière irrégulière (l’activité, le temps de travail, le type de contrat, etc.). Enfin, d’autres variables sont cumulées sur une période (nombre et durée d’absence, nombre et durée des accidents de travail, nombre et heures de formation, etc.). Il faut être attentif à ces distinctions lors de l’analyse des données.
- Pour les axes 4 et 5 notamment, il est conseillé de comparer les résultats sur plusieurs années en réalisant les même analyses pour les années n, n-1, n-2, n-3, etc. Pour analyser ces évolutions, il faut faire attention à ce que les fichiers de données soient bien constitués selon les mêmes règles et qu’il n’y a pas eu de transformation trop importante de l’effectif.
Choisir une mise en forme des résultats pertinente
Cela permettra une bonne lisibilité des analyses. Il est important que les résultats soient accessibles pour le plus grand nombre de destinataires possible sans qu’ils aient à se reporter systématiquement aux données sources, auxquelles ils n’ont pas forcément accès.
Contextualiser les résultats
Il n’y a pas a priori de bons ou mauvais résultats. Il est possible de se reporter à des données générales sur la sinistralité ou l’absentéisme par exemple pour avoir un ordre d’idée, mais les spécificité de chaque contexte ne permettent pas d’établir des « normes » ou des « références ». Les analyses réalisées ne seront utiles que si elles sont d’une part enrichie d’autres éléments qualitatifs (observations, entretiens, rapport service de santé au travail, baromètre social, etc.) et d’autre part discutées avec différents acteurs de la prévention et des conditions de travail (salariés, managers, représentants du personnel, médecin du travail, etc.).
De manière générale, il ne faut pas oublier que l’analyse des données sociales n’est qu’une façon parmi d’autre d’analyser et de comprendre des phénomènes. C’est en combinant et confrontant des sources de données différentes (quantitatives et qualitatives) qu’il sera possible d’en faire un usage efficace.