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« L'évaluation embarquée » : une méthode Anact pour tester de nouvelles façons de travailler

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« L’évaluation embarquée » permet aux salariés de participer à la conception de nouvelles organisations du travail. Retour d’expérience avec Julien Pelletier, responsable priorité « Qualité de vie au travail » à l’Anact.

En quoi consiste la méthode de « l’évaluation embarquée » ?

Les salariés évaluent, en les expérimentant, les effets d'un changement sur leur activité (ex : mise place d'un nouveau logiciel, d'une nouvelle procédure, de nouveaux horaires, etc.). C’est pourquoi nous appelons l’évaluation embarquée : cette démarche n’est pas extérieure au projet, et ne se fait pas « ex-post », elle est embarquée dans le projet de transformation. Sa caractéristique majeure est qu’elle se construit avec les retours des acteurs de terrain au cours de l’action, pas sur des critères fournis par des experts.

C’est une méthode très simple, et particulièrement bien adaptée aux besoin des petites et moyennes entreprises (PME). Des groupes de travail de 8 à 12 salariés sont mis en place. Ils établissent une liste de leurs activités, choisissent celles qui sont fortement impactées par les changements en cours et les analysent à l’aune de 3 critères : d’efficacité, techniques, et sociaux. Les salariés choisissent ainsi eux-mêmes leurs indicateurs. Exemple : si le mal de dos et la relation clients sont deux sujets importants dans l’entreprise, les salariés évalueront la transformation en regardant ses effets sur ces deux enjeux. Puis ils formuleront des propositions.

Quelles sont les conditions nécessaires à l’utilisation de cette méthode ?

La première condition est d’associer les concepteurs techniques du projet, et non pas seulement les acteurs sociaux habituels de la prévention (DRH, préventeurs, CHSCT, etc.). Deuxième condition : chacun doit accepter de suspendre son jugement. La direction doit accepter une critique de l’organisation du travail ou de la technologie introduite, les organisations représentatives doivent accepter le principe de l’expérimentation et les salariés doivent accepter de faire des propositions. Car la méthode ne requiert pas seulement des salariés le seul fait de dire ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas mais d’imaginer des alternatives, de nouveaux fonctionnements.  Côté directions, elle suppose de ne pas figer trop d’options et de garder des marges d’adaptation pour intégrer ces propositions. Cela suppose donc souvent un changement de posture de part et d’autre

Pourquoi et comment l’Anact promeut-elle cette méthode auprès des entreprises ?

« L’évaluation embarquée » permet d’agir très en amont sur l’organisation du travail, dès les phases de conception, au motif que « les projets d’aujourd’hui font les conditions de travail de demain »: on est vraiment dans la prévention primaire des risques psychosociaux et le lien avec les conditions d’une performance durable est intégré. La méthode s’inscrit donc dans les démarches de qualité de vie au  travail. Des chargés de mission de l’Anact et des Aract mobilisent actuellement cette méthode pour une centaine d’organisations : PME, grandes entreprises ou encore établissements de santé.

Quels résultats avez-vous ? L’évaluation embarquée est-elle efficace ?

Chez les salariés, un triple effet est constaté :

  • Un sentiment de fierté du à la production de propositions solides. On n’est pas dans le « y’a qu’à, faut qu’on ». Toutes les propositions doivent être argumentées, avec des critères comme les coûts, les délais, la charge de travail, les compétences mobilisées, etc.
  • Les salariés se sentent responsabilisés, ce sont eux qui présentent leurs propositions à la direction et aux élus.
  • Enfin, la démarche est vecteur de professionnalisation via la conception d’indicateurs, l’analyse du travail, l’appropriation des projets de transformation.

Dans les structures qui ont expérimenté la méthode avec le réseau Anact-Aract les dirigeants et des élus ont toujours été très impressionnés par la qualité de l’argumentaire des salariés et la richesse des propositions. La variété des propositions des salariés renvoie à des calendriers et mises en œuvre différents : certaines propositions sont renvoyées à la négociation avec les partenaires sociaux, d’autres peuvent être mises en place localement et rapidement par les managers, enfin certaines vont nourrir le projet de transformation et la qualité de son déploiement. Cela permet donc aux acteurs de construire des plans d’action et d’enrichir dialogue social.

« L’évaluation embarquée » offre une troisième voie entre la résistance au changement et l’accompagnement du changement. On pratique ici la la co-construction du changement.

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