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« Les inégalités femmes-hommes sont aujourd’hui enracinées dans les organisations du travail »

Où en est l’égalité professionnelle en ce début 2025 ? État des lieux avec Florence Chappert et Karine Babule de la Mission Egalité de l’Anact.

Actualité - Publié le 06 mars 2025 - Modifié le 13 mars 2025

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Egalité homme femme

Où en est-on sur l'égalité salariale ?

Les inégalités de salaires sont moins qu'avant la conséquence de discriminations directes : pour un même poste, on recrute moins souvent des femmes et des hommes à des salaires différents et les pertes d’augmentation liées au congé maternité sont davantage compensées.  

Les inégalités de rémunération qui persistent s’expliquent surtout par des raisons structurelles liées à la répartition des métiers et des postes dans l’entreprise selon le sexe.

Les classifications sous-valorisent encore les emplois à prédominance féminine. Quant aux systèmes de reconnaissance, ils restent davantage pensés pour les métiers occupés par des hommes : avec par exemple, les primes liées à la pénibilité physique, la règle de l’ancienneté, les heures supplémentaires.

Les inégalités sont aussi enracinées dans les organisations du travail avec, par exemple, des cadences dimensionnées pour des hommes jeunes en bonne santé, de longues journées pour les postes de management et des horaires atypiques aux postes occupés surtout par des femmes. 

Les TPE-PME sont particulièrement concernées par les inégalités structurelles avec l'impression de manquer de marges de manoeuvre pour les résoudre. Pour les aider à trouver les mesures adaptées, l'Aract Paca a conçu avec des entreprises qu'elle a accompagnées le guide « De l’Index de l’égalité professionnelle aux mesures correctives : guide de bonnes pratiques pour les PME ».

Et qu'en est-il de l'égalité en matière de santé et de conditions de travail ?

Les conditions de travail et la santé au travail sont les parents pauvres des démarches d’égalité professionnelle ! Ces thèmes sont peu traités dans les diagnostics et les négociations, alors que les indicateurs sont moins bons pour les femmes que pour les hommes. 

La proportion de salariés absents pour des raisons de santé reste de 30 à 40 % plus élevée pour les femmes, quel que soit l'âge, et tout particulièrement entre 25 et 34 ans. Cette inégalité s'explique surtout par le cumul des contraintes de travail dans les emplois occupés par les femmes. Et, dans une moindre mesure, par les arrêts maladie associés aux questions de santé féminine (grossesse, endométriose, ménopause, cancer du sein qui arrive plus tôt que le cancer de la prostate). 

Les femmes sont aussi surexposées aux troubles musculosquelettiques, à la souffrance psychique, aux risques psychosociaux, et aux violences sexistes et sexuelles au travail. Le nombre d'accidents du travail des femmes augmente, par ailleurs, depuis 20 ans alors que celui des hommes diminue. Dans les secteurs à prédominance féminine, on observe à la fois une hausse des taux de fréquence et de gravité de ces accidents. 

« Les inégalités trouvent aussi leur source dans des systèmes d'organisation du travail qui limitent l’accès de femmes aux parcours professionnels offrant de meilleures conditions d’emploi, de travail ou de conciliation des temps. »

Karine Babule, chargée de mission à l'Anact

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Photo agent Anact Karine Babule

Qu’est-ce qui explique ces inégalités persistantes ?

En matière de santé au travail, la pénibilité des métiers occupés par les femmes est toujours invisibilisée, par exemple dans les métiers du soin, du care, de l'éducation, du commerce, etc. Ces métiers sont concernés par un déficit de prévention associé à de l’usure professionnelle, puisque la mobilité y est faible. 

Dans les métiers à prédominance masculine (BTP, transport, énergie, industrie…), la progression des accidents des femmes s’explique aussi par une prise en compte insuffisante des différences entre les femmes et les hommes (biométrie, morphologie, capacités musculaires… ). 

De façon générale, les inégalités trouvent leur source dans des organisations du travail qui limitent l’accès des femmes aux parcours professionnels offrant de meilleures conditions d’emploi, de travail ou de conciliation des temps.
 

Écarts de rémunérations, de santé au travail... comment agir sur tous ces fronts ?

Concernant l’égalité des salaires, la renégociation des classifications de branches, liée à la Directive européenne sur la transparence salariale est un premier levier de progrès. Applicable aux entreprises de plus de 100 salariés en 2026, elle intègre la notion « à travail de valeur égal, salaire égal », et nécessite de mieux prendre en compte les compétences, conditions de travail et pénibilités réelles.

Ces actions en faveur de la revalorisation des emplois doivent s’accompagner de mesures d’équité pour prendre en compte les différences entre les femmes et les hommes au travail (différences dans les métiers et les parcours) et dans la vie (monoparentalité, aidance familiale, violences domestiques). Il faut également intégrer les spécificités de santé selon le sexe, notamment les questions de santé reproductive. 

Au final, l'objectif commun doit être de développer des environnements de travail plus ouverts, souples et inclusifs pour donner à chacun et chacune la possibilité de faire son travail dans de bonnes conditions. Avec des mesures de type limiter le port de charges pour tous, proposer plus de souplesse dans les horaires, appliquer le droit à la déconnexion, limiter le présentéisme même numérique, etc. Ce que commencent à faire certaines entreprises. 
 

« Améliorer les conditions de travail pour tous, mettre en place des organisations plus inclusives... Il est plus facile d’agir sur ces leviers à la portée de l’entreprise que sur les mentalités et les stéréotypes de sexe. Et cela bénéficie aussi aux hommes. »

Florence Chappert, responsable de la Mission Égalité Intégrée à l'Anact

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Photo agent Anact Florence Chappert

Quels arguments pour passer à l'action ?

Favoriser la mixité des métiers et des secteurs et rendre les systèmes d'organisation du travail plus inclusifs, c'est ouvrir à chacun et chacune l'accès à des parcours professionnels porteurs d'égalité salariale et de santé au travail. Et c'est aussi une réponse aux difficultés de recrutement, d'attractivité et à l'allongement de la vie professionnelle. Il est plus facile d’agir sur ces leviers d’action à la portée de l’entreprise que sur les mentalités et les stéréotypes de sexe. Et cela bénéficie aussi aux hommes.

Renforcer dès à présent l'égalité femmes-hommes permettra aussi de mieux aborder les transitions numériques et écologiques au sein des entreprises. Si l’on n’y prête pas attention, certains changements en cours peuvent renforcer les inégalités ou en créer de nouvelles, comme avec le télétravail ou l'IA. Lors d'un colloque organisé en novembre 2024, nous avons exploré les liens entre la transition écologique, les questions de genre et de santé. Il faut regarder avec attention les expérimentations visant à préserver simultanément la santé des femmes et des hommes et les écosystèmes, notamment dans l’agriculture, les métiers de service et les métiers verts ou verdissants.. 
 

URL de Remote Video

Table ronde sur le thème « Santé des femmes au travail : des risques professionnels sous-estimés ? » organisée par la délégation aux droits des femmes du Sénat le jeudi 23 mars 2023.