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Les enjeux et conditions de travail liés à la robotique dans le secteur de la santé

enjeux de la robotique dans le secteur de la santé

Dans le cadre du Colloque Fédération de l’hospitalisation privée qui s’est tenu au Sénat le 29 juin 2016, l’Anact s’est interrogée sur les enjeux de la robotique dans le secteur de la Santé. 

Intervention de Vincent Mandinaud, chargé de mission à l'Anact.

"Les problématiques technologiques ne sont pas de simples préoccupations techniques, dans la mesure où elles sont structurantes du point de vue de l’organisation du travail et de la santé au travail, mais aussi de la transformation de l’emploi et de la construction des compétences. En ce sens, l’introduction de robots et/ou de technologies numériques dans les organisations de travail s’inscrit dans des projets de développement de la prise en charge de la santé, et réinterroge le rôle et le fonctionnement de l’hôpital dans des parcours de soins. 

Face à des enjeux multiples, l’émergence de la robotique peut apparaître comme une réponse à la solution mais aussi comme un problème, sachant qu’ils déterminent les formes de travail et qu’ils ne sont plus mis en soutien aux formes que peut prendre le travail humain. En effet, les robots comme les technologies numériques dans leur ensemble, sont ambivalents. Par exemple, en dépit des espoirs que la robotique permet de nourrir en matière de santé au travail, de conditions de travail ou de QVT (baisse de la pénibilité, amélioration de la conciliation des temps, travail collaboratif…) les problèmes posés par l’introduction des robots, et plus largement des technologies numériques, sont de plusieurs ordres. 

Ces équipements dans les organisations sont coûteux. Leur introduction s’inscrit dans des perspectives stratégiques, des logiques gestionnaires avec des cadres managériaux soutenant des processus de rationalisation. Au-delà des questions de destruction/création d’emplois (qui suppose un soutien à la formation), ces nouvelles formes de mise en process du travail peuvent produire des effets d’intensification, de densification et de fragmentation du travail. On peut donc légitimement s’interroger sur la capacité des institutions de la prévention/promotion de la santé au travail (au premier rang desquelles les organisations de travail elles-mêmes) à mieux prendre en compte et en charge les effets de la robotique industrielle et des NTIC sur la santé des personnes et des organisations.

Ainsi se pose la question des modalités de conduite du changement lors de l’intégration des solutions robotiques. Compte tenu de leur technicité, l’introduction de ce type d’équipement peut entraîner un risque de dépendance avec les fournisseurs de solutions. On peut aussi se demander quels sont la maîtrise des projets, des usages et des investissements, tant les pratiques de « travail réel » semblent parfois absentes. Pourtant elles ont comme point de passage obligé la réussite d’un projet d’investissement technologique, au point que parfois des solutions robotisées sont achetées pour répondre à un ou des problèmes pas ou mal posés. Il y a de notre point de vue un enjeu fort à mieux formaliser les problèmes auxquels sont censées répondre les solutions robotisées, et mieux examiner les problèmes qu’elles introduisent ou soulèvent également.

Aussi, nous plaidons et tâchons de développer des méthodes et des outils (par exemple de simulation) qui visent à soutenir le dialogue social (les partenaires sociaux en sont la cible historique), mais aussi le dialogue professionnel entre opérateurs, managers et concepteurs en intégrant les parties prenantes (clients, bénéficiaires, etc.). Comment refonder les modalités d’intégration de ces technologies dans les environnements de travail ? Comment faire remonter en conception le « travail réel » et ses déformations par l’introduction de nouvelles technologies? Comment négocier les nouvelles formes de relations de service, les nouveaux termes des relations de travail?

Nous sommes particulièrement intéressés par les articulations entre qualité de service (qualité des soins, etc.) et qualité des conditions de travail, notamment à travers la convention signée avec la Haute autorité de santé (HAS), et celle signée avec la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) sur le secteur des services à la personne (enjeu clé du maintien à domicile). En outre, nous sommes préoccupés par la problématique des maladies chroniques évolutives et du maintien dans l’emploi. Au-delà des potentiels de développement pour le marché des exosquelettes, des robots humanoïdes ou des robots de stimulation relationnelle tel que PARO, il nous apparaît que la question de l’usage, du traitement automatisé/personnalisé de données (médicales et autres), sera sans doute au coeur des relations entre parties prenantes, et qu’elle ne devrait pas être sans conséquences sur les chaînes de responsabilités, et donc sur la division à la fois technique, scientifique et sociale du travail (à l’hôpital ou au domicile du patient). 

Qu’elle soit visible ou invisible à l’oeil nu, l’introduction de ces technologies dans les organisations du travail n’est pas neutre quant à ses effets sur les environnements et les collectifs de travail. Elle participe à la déformation, transformation, recomposition. L’enjeu est celui de l’alliance des technologies avec les humains et des compromis socio-techniques que nous sommes capables de construire, ainsi que le promeut la robotique ou le développement de nouvelles interfaces hommes-machines, par exemple. Nous portons l’hypothèse qu’intégrer les conditions de travail dans les projets de conception ou d’acquisition constitue un levier d’amélioration des investissements technologiques (notamment ici robotiques) car cela facilite l’identification et la reconnaissance des spécificités et de la variabilité des situations de travail réel. Ce faisant, cela peut permettre de prévenir les risques liés aux mésusages et ceux liés à un fonctionnement potentiel en mode dégradé (sur les publics, les professionnels et les organisations de travail)."

 

Voici le cas d'un robot dans un établissement de santé en Belgique :



Sans Frontière-Bruxelles

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