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La transmission des savoir-faire dans les métiers d’art

Réalisations et projets - Publié le 29 septembre 2016 - Modifié le 18 janvier 2024

Favoriser les collaborations intergénérationnelles : tel est le but poursuivi dans le cadre cette action collective autour de la transmission des savoirs et savoir-faire. C’est tout l’enjeu de la complicité entre l’artisan et le novice: même si ce dernier va plus facilement mettre en avant le geste - « le coup de patte » - et la technicité de l’outil ou de la machine, il va aussi, implicitement et intuitivement diffuser la nécessaire relation entre le geste et le matériau. Sans oublier les trucs et astuces qu’il a développés au fil de son expérience pour limiter les expositions délétères à la santé et favoriser la capacité à créer et innover. Mais comment mettre en œuvre des dispositifs de transmission pour faire vivre le métier au-delà des seules techniques ?

Qui?

L’Aract lorraine a mené une action collective qui a réuni 5 métiers d’art : ferronnier, faïencier, peintre décorateur, tapissier d’ameublement, luthier. Cette action s’est appuyée sur le dispositif de formation « concepteur-créateur » du Centre européen de recherches et de formation aux arts verriers, soutenu par la mission lorraine des métiers d’art au conseil régional de lorraine. Les métiers d’art ont des enjeux forts sur la transmission des savoirs d’expérience, entre tradition du geste et nouvelle technologie, et de développement économique au niveau national, voire international.

Quel était le problème à régler ?

L’un des enjeux de la transmission cité par les artisans d’art est la continuité du savoir-faire du métier. C’est prévenir la perte d’expertise et les valeurs intrinsèques du métier. La perte d’un savoir-faire stratégique met en péril l’entreprise. Même si l’enjeu de santé (usure professionnelle et pénibilité) est évident pour les artisans d’art, ce n’est pourtant pas celui qu’ils mettent en avant. Ils pointent les coopérations intergénérationnelles permettant le développement de la créativité, l’amélioration de la qualité et la préservation de la santé. Car les novices maitrisent les nouvelles technologies, les nouveaux matériaux, et les nouvelles tendances.

Qu’ont-ils fait ?

L’action collective proposait d’aider les TPE des métiers d’art à mieux mettre en œuvre des actions favorables à la transmission des savoirs de métier et de prudence entre les générations. De manière opérationnelle, l’accompagnement a mis en œuvre 3 étapes :

  • Des investigations dans les entreprises volontaires sur les conditions concrètes des transmissions de savoirs, à l’aide d’outils méthodologiques (entretien - individuel et collectif - et observation de situations de travail). 
  • Construire avec elles des échanges de pratiques pour renforcer les actions utiles. Ces phases collectives ont été réalisées avec deux cibles distinctes (dirigeant, apprenant). 
  • Diffuser à la filière des repères précis pour encourager les établissements à innover dans les pratiques de transmission et de développer les collaborations intergénérationnelles. La réalisation d’un reportage-documentaire est actuellement en cours. 



•  Que transmet l’artisan d’art ? Au-delà du geste, l’artisan transmet les valeurs du métier, ce qui fait sens dans la réalisation de l’objet, la créativité, la patience, la sensibilité aux matériaux. Il va aussi apprendre au novice à organiser son travail, à aller plus vite - « être rentable ». Le novice va aussi devoir acquérir des compétences relationnelles. Par exemple sur un chantier, nous observons que les situations de transmission ne sont pas uniquement réservées aux situations de travail « technique »… Cependant, pour faire « tourner la boutique », les activités administratives, commerciales et financières sont certes chronophages mais indispensables, et supposent une diversité de connaissances. 

Par ailleurs, l’une des spécificités propres à l’artisan d’art est de transmettre des compétences kinesthésiques. Il va apprendre au novice à ressentir la matière première, son comportement durant le façonnement. 



•  Comment transmet-il toutes ces compétences ? 

En utilisant ses sens : il parle, montre, utilise son corps comme trait d’union entre l’outil et le geste. Par exemple, pour lui faire ressentir le mouvement, une ouvrière (40 ans d’ancienneté) dans la manufacture de faïencerie, et expérimentée dans la technique du filage, ne trouvant plus les mots pour expliquer, s’installe derrière la novice, lui prend la main et ajuste le pinceau. Elle démarre alors la girelle et main dans la main, elles procèdent au filage du vase. Il touche, caresse leur œuvre et ressente la qualité et l’esthétique de l’objet. Lorsque le tapissier prend l’assise du fauteuil en restauration, il la caresse avec la paume de sa main, il évalue si le tissu est bien tendu, si la mousse n’a pas de pli, si le tissu n’a pas subi de dommage. Le forgeron entend le son de l’outil sur la matière… il perçoit la qualité de l’ouvrage selon la justesse du son. 



•  Quelle place pour la collaboration dans la transmission ? 

La relation entre l’expérimenté et la novice est importante. Ils se choisissent mutuellement. En prenant deux chemins différents. Le premier relève plutôt de,ce que nous appellerons, « l’effet miroir ». C’est-à-dire que l’apprenant et l’expérimenté ont un parcours scolaire et des centres d’intérêts similaires. Le second va résulter de valeurs déjà partagées et identifiées dans un parcours commun. Les notions de « volonté », de « motivation », de « passion », et de « bon feeling » sont citées par les deux acteurs. Ils se reconnaissent l’un l’autre dans ses dimensions relativement abstraites. Et la notion de « mentor » prend ici toute sa place.

Pour quels effets ?

La principale conclusion de cette action concerne la mise en œuvre des dispositifs de transmission pour ces métiers. L’observation montre que l’apprentissage se produit ici en situation de travail, par la confrontation avec des événements auxquels font face en commun le novice et l’expérimenté. C’est la mise en situation et la constitution d’un stock d’expériences apprises en temps réel qui permettent de faire progresser le novice. 

Dès lors, il peut sembler vain de caractériser l’apprentissage (et la transmission) comme une somme de moments pédagogiques clairement délimités. L’apprentissage ne se limite pas non plus à l’appropriation du geste technique ; il s’agit d’apprendre l’ensemble des facettes d’une activité, le rapport au client, les aspects gestionnaires ainsi que les dilemmes de l’activité (l’équilibre entre la création et les contraintes économiques).