“Être intelligent à ce qu’on se sait ignorant” ou de l’intérêt de se former sans cesse pour agir mieux
Réalisations et projets - Publié le 27 mars 2015 - Modifié le 23 janvier 2024
Qui?
Cette entreprise spécialisée dans l’abattage et la découpe de poulets et pintades. Son activité est répartie sur 3 sites totalisant environ 250 salariés en CDI auxquels s'ajoutent entre 40 et 60 personnes intérimaires selon les jours. Près de 90% de l’effectif est constitué d’agents de production et d’encadrement direct de production. L’établissement concerné par cette intervention compte de 53 salariés permanents. Il est spécialisé dans l’abattage et le conditionnement de poulets labellisés « prêt à cuire ». Il comprend deux ateliers: l’abattoir (25 salariés) et le conditionnement (19 salariés).
Quel était le problème à régler ?
La fréquence des déclarations en maladies professionnelles liées à des troubles musculosquelettiques devient préoccupante en coûts directs et indirects (absences, gestion des inaptitudes). La direction a souhaité la participation de l’établissement à l’expérimentation d’une formation-action sur la prévention de l’usure et la sécurisation des parcours professionnels proposée par OPCALIA Bretagne et l'Aract Bretagne. La formation-action prend appui sur la situation de l’atelier de conditionnement pour compléter une démarche d’amélioration des postes de bridage préalablement engagée avec l’appui du service de santé au travail dont dépend l’établissement.
Qu’ont-ils fait ?
La formation-action a consisté (pour l'Aract et OPCALIA Bretagne) à animer quatre séances d’un groupe de travail permettant d’expérimenter progressivement des méthodes d’analyse sur l’usure professionnelle afin de proposer des actions d’amélioration.
Le groupe de travail était composé du directeur du site, de la responsable ressources humaines, du responsable et d’une ouvrière de l’abattoir (en même temps secrétaire CHSCT), de la responsable et d’une ouvrière du conditionnement. Cette composition visait à impliquer également la partie abattoir.
Au cours des deux premières séances, le groupe a analysé des données relatives à l’effectif (âge, ancienneté, genre, postes tenus) et à la santé au travail (maladies professionnelles, accidents du travail, arrêts maladies) en les mettant en relation avec les caractéristiques principales du travail au conditionnement.
Il faut noter, que l’effectif comprend une part importante de salariés âgés de 45 à 55 ans (50% de l’effectif total) avec une forte ancienneté. Les arrêts maladies longs (> à 30 jours) représentent 2/3 de l’ensemble des arrêts maladies. C’est donc un effectif qui apparaît relativement fragilisé dans sa capacité à occuper durablement les emplois dans les conditions actuelles. Or, entre 5 et plus de 15 ans d’activité sont à réaliser pour atteindre l’âge de la retraite.
Deux contraintes de travail sont considérées comme très sérieuses : les gestes répétitifs (étiquetage et mise en carton) et les postures pénibles (manipulation de chariots et mise sur tapis). Il apparaît qu’elles s’exercent dans un contexte de production fréquemment perturbé. D’une part, les problèmes à l’abattage sont fréquents (or il faut « coûte que coûte » respecter les horaires de départ des transporteurs), d’autre part, les arrêts maladies particulièrement nombreux et longs entraînent un recours important à du personnel intérimaire. Non seulement cela limite les possibilité de rotations mais impacte également la productivité puisqu’on observe, sur la durée, une relation inverse entre l’indicateur de productivité de cet atelier et la part représentée par l’intérim dans l’effectif.
À partir de ce premier niveau de diagnostic partagé, le groupe de travail a fait un recueil des principales situations de travail « usantes » dans l’atelier de conditionnement en utilisant notamment la photo.
Les 2 séances suivantes ont consisté à analyser ces situations de travail pour:
- comprendre les conséquences sur les salariés mais aussi sur l’organisation et les objectifs de production;
- identifier les différentes causes de ses situations de travail usantes;
- proposer des actions d’amélioration.
Les analyses et les propositions du groupe de travail ont été présentées à la direction générale, à la secrétaire du CHSCT, au médecin du travail et au conseiller OPCALIA de façon à envisager un plan d’actions. Cinq actions contribuant à la prévention de l’usure ont été définies:
• Trois actions concernent les chariots: la confirmation de la neutralisation des niveaux les plus hauts et les plus bas, une procédure de maintenance revue, une implication des ouvrières utilisatrices pour la définition d’un nouveau cahier des charges à l’attention des fournisseurs.
• Deux autres actions concernent la mise en carton en bout de ligne: l’automatisation de l’étiquetage, la formation à la programmation de la machine à étiqueter pour faciliter la rotation à ce poste.
Pour quels effets ?
Cette façon de travailler en s’appuyant sur un groupe de travail est une première dans l’entreprise.
La direction a donné une impulsion forte en mobilisant des moyens humains et des moyens en temps. Cela a crédibilisé l’action et a donné un signe que la direction en attendait quelque chose.
L’implication des personnes de différents niveaux de responsabilité et de différents ateliers a permis des angles de vue larges sur la question de l’usure professionnelle et les contraintes de production au conditionnement. Cela a permis également d’envisager des pistes d’action qui ne soient pas perçues comme des contraintes supplémentaires par les uns ou les autres.
Enfin, ces méthodes et outils utilisés lors de cette action sont accessibles, c’est-à-dire que l’entreprise peut les réutiliser en autonomie après cette première expérience accompagnée.