Etablissements médico-sociaux : action sur la qualité de vie au travail
L'action collective innovante et apprenante (Acia) sur la qualité de vie au travail (QVT) dans les établissements médico-sociaux (Ehpad et EPMST) va bientôt commencer. Le chargé de mission Aract Réunion Thomas Jacquot, psychologue du Travail, nous décrit la démarche.
Actualité - Publié le 16 mars 2021 - Modifié le 19 janvier 2024
Pourquoi intégrer une démarche collective ? Qu’est-ce que la Qualité de vie au travail ?
Thomas jacquot (TJ) : La qualité de vie au travail vise à remettre au cœur des politiques et des projets d’établissement la question du travail et de son organisation. Elle s’intéresse à des thématiques techniques ou organisationnelles et à leur mise en œuvre visant l’équilibre entre un objectif social, un objectif économique et un objectif technico-organisationnel. Elle repose sur un principe d’expérimentation : elle vise à tester de nouvelles manières de travailler, à considérer les professionnels comme les experts de leur travail et s’appuyer ainsi sur leur capacité à identifier les ressources permettant de progresser collectivement.
Quelle est la nature de la démarche proposée ?
TJ : Il est proposé aux établissements de s’inscrire dans une démarche expérimentale et apprenante, l'Acia, sur la mise en œuvre d’une politique et de projets de qualité de vie au travail définie par la stratégie nationale pour « Favoriser la qualité de vie au travail en établissements médico-sociaux. La Qualité de Vie au Travail pour un accompagnement de qualité » de juin 2018. Cette stratégie nationale est déclinée sur le territoire de La Réunion de façon opérationnelle par l’ARS qui s’appuie sur l’expertise de l’Aract. La démarche collective permet aux établissements de se lancer dans l’expérimentation en bénéficiant d’une sécurisation proposée par le travail collectif, le partage d’expériences entre établissements et l’accompagnement de l’Aract.
Quel est le déroulement de la démarche ?
TJ : La méthode développée par l’Aract depuis quelques années dans le secteur du privé et depuis 2017 dans le secteur sanitaire, social et médico-social présente plusieurs caractéristiques :
- Une action collective inter-établissements faites d’apports méthodologiques, outillages en vue d’une production d’état des lieux, de priorisation, de constructions d’expérimentation et d’échanges avec les autres établissements du groupe,
- Un appui individuel à chaque étape de la démarche réalisé par les chargé(e)s de mission de l’Aract afin d’accompagner les expérimentations à partir des problématiques de chaque établissement,
- Un groupe paritaire représenté, pour chaque établissement, par un représentant de la direction, un représentant du personnel et un représentant métier.
- Un enjeu de capitalisation avec un livrable régional et national.
L'Acia rassemble entre 6 et 8 établissements pour un accompagnement allant d’avril à décembre 2021.
Qu’est-ce que cela implique dans l’établissement ?
TJ : La participation et l’engagement de plusieurs parties prenantes de l’établissement comme indiqué ci-dessus : un représentant de la direction, un représentant du personnel et un représentant du corps médical ou médico-social. Ce trinôme est impliqué dans les sessions collectives en contribuant aux travaux proposés et en partageant, avec les autres établissements, l’avancement du projet de sa structure. Il a un rôle clé dans la conduite du projet QVT de l’établissement.
Qu’est-ce que cela peut apporter à l’établissement ?
TJ : Une nouvelle méthode de travail reposant sur la collaboration de tous et déjà mise en place dans 441 établissements du sanitaire et du médico-social depuis 2017. En effet, les établissements arrivent au bout du modèle descendant dont les enjeux échappent en partie aux acteurs. La démarche propose de sortir des cadres et postures habituels en testant une nouvelle méthode de travail. L’expérimentation propose un cadre, qui repose sur la possibilité de partager avec des pairs, dans et hors les instances, dans et hors de l’établissement sur la base du volontariat… La démarche repose sur une dynamique de type essai/erreur qui permet de construire de nouvelles règles partagées et non imposées…
L'Acia est utile pour progresser sur des sujets propres à l’établissement, dans un cadre sécurisé : le mode expérimental permet d’aborder les sujets progressivement, de prendre son temps, de tester si les options prises produisent ce qui est attendu, d’évaluer en temps réel les impacts, de procéder à des ajustements. Chaque établissement participe donc à l’Acia sur la base de son propre projet de changement, qu’il concerne un service, l’organisation des temps, l’aménagement de locaux, le renouvellement d’un équipement etc. S’appuyant sur la dynamique collective et une configuration tripartite, il vient élaborer des solutions spécifiques à sa situation. L’accompagnement par l’Aract, pris en charge financièrement par l’ARS via un financement national de la DGCS, permet de sécuriser le travail, de bénéficier des enseignements des travaux nationaux, de garantir une démarche portant sur le triptyque qualité de vie au travail – qualité du travail – qualité de prise en soin ou prise en charge.
L'Acia promet aussi un renouvellement du dialogue social : l’implication des représentants du personnel est une des conditions essentielles du déploiement des démarches de qualité de vie au travail, c’est pourquoi le fonctionnement exige l’implication du Comité social et économique (CSE) ou des instances représentatives du personnel. La démarche a comme ambition d’accompagner l’évolution des modalités de fonctionnement des instances représentatives du personnel en plaçant la qualité de vie au travail en tant que composante essentielle des projets et des réorganisations.
Quelles sont les conditions pour que cela fonctionne ?
La démarche ne pourra porter ses fruits que si elle bénéficie du soutien et de l’implication de tous :
- D’abord de la direction, mais aussi du corps médical, des représentants du personnel, qui portent ensemble le cadre politique et méthodologique
- Des acteurs de terrain, dans une approche pluri-professionnelle, qui pourront identifier leur marge de manœuvre et ressources, proposer des solutions, les mettre en œuvre et les évaluer. Cela implique un investissement qui se traduira notamment par la capacité de dégager du temps pour participer aux espaces de discussion et d’élaboration au sein des collectifs mais, également et surtout, au sein de l’établissement, avec l’ensemble des professionnels concernés. Le projet travaillé n’emportera l’implication de tous que s’il est suffisamment opérationnel et que chacun y voit un intérêt à relativement court terme. Toutefois, il doit rester suffisamment large pour permettre de rediscuter toutes les modalités et objectifs. Le sujet choisi doit rester ouvert à la discussion et à l’interrogation.
Enfin, les établissements sont confrontés à une multitude de projets. La qualité de vie au travail ne doit pas être perçue comme un projet à part. Elle repose sur une pratique innovante qui fait le lien avec les autres projets de l’établissement. Cette cohérence entre les sujets est en soi un objectif de la qualité de vie au travail.
Contact : Thomas JACQUOT, chargé de mission à l’Aract Réunion, psychologue du travail. Téléphone 07 81 422 673. Mail : t.jacquot@anact.fr