Égalité professionnelle
Les analyses de l’Anact basées sur des interventions en entreprise, des études et des recherches, mettent en lumière des différences voire des inégalités entre les femmes et les hommes en matière de conditions de travail et de santé au travail.
Page - Publié le 25 juillet 2024 - Modifié le 25 juillet 2024
Pourquoi agir ?
Des différences de conditions de travail entre femmes et hommes
Dans les démarches et plans d'action d'entreprises, le sujet de l’égalité professionnelle est souvent essentiellement traité sous l'angle de l’égalité salariale, des carrières, du temps partiel ou encore de la discrimination directe. Or, les inégalités entre les femmes et les hommes ne concernent pas seulement les conditions d’emploi mais aussi les situations et les conditions de travail.
Les femmes et les hommes sont exposés à des contraintes de travail différentes, compte tenu notamment :
- des différences dans la répartition des emplois, avec de nombreux métiers "peu mixtes", soit à prédominance féminine (sages-femmes, aides-soignantes, infirmières, etc.) soit à prédominance masculine (agents du bâtiment, militaire, etc.) ;
- du cumul différencié des charges professionnelles et familiales qui est à relié aux contraintes de temps de travail différentes pour les femmes et pour les hommes ;
- de pratiques RH : critères d'ancienneté, de disponibilité, etc. qui peuvent affecter différemment les parcours des femmes et des hommes ;
- des expositions différentes aux risques et à la pénibilité au travail avec une invisibilité de ces risques plus marquée dans les secteurs à prédominance féminine.
Les femmes au travail sont, par exemple, autant exposées à la pénibilité physique et/ou mentale que les hommes, mais celle-ci est souvent moins visible et moins prise en compte. Une intervention du réseau Anact-Aract dans une imprimerie réalisée en 2014 soulignait que les femmes dans les postes d’aide de finition portaient jusqu’à 11 tonnes par jour en manipulant des paquets de cahiers qui pesaient 20 kilos chacun.
Les femmes sont notamment plus exposées aux troubles musculosquelettiques (TMS), aux risques psychosociaux (RPS), et à l’usure professionnelle que les hommes. Elles vivent également davantage des situations de tension et bénéficient de moins d’autonomie. Ces inégalités ont un impact sur l’activité de l’entreprise : plus d’absentéisme (30 à 40 % de plus pour les femmes que les hommes), baisse de performance, etc.
Florence Chappert : Le sujet de la santé au travail des femmes, ce n’est pas un effet de mode.
On a révélé récemment effectivement que le travail n’a pas les mêmes impacts sur la santé des femmes et des hommes et donc qu’il faut adapter désormais l’organisation du travail, la prévention aux besoins et aux postes des femmes et des hommes.
Patrick Adam : Juridiquement, elles sont traitées finalement comme des travailleurs comme les autres alors qu’elles ne le sont pas et qu’il faut absolument à la fois que les employeurs adoptent une politique genrée de prévention, et que le droit a son rôle à jouer, c’est-à-dire qu’il faut sans doute qu’il y ait un renforcement des obligations qui pèsent sur les entreprises pour inciter, favoriser, encourager, voire imposer la prise en compte genrée des problèmes de santé au travail.
Christelle Chambarlhac : L’existence des comportements sexistes, des agissements sexistes et des faits de harcèlement sexuel nécessite quand même une prise de conscience collective des acteurs de l’entreprise, des employeurs mais aussi des représentants du personnel, et donc une nécessité que chacun connaisse et se forme à ce type d’agissements pour pouvoir ensuite les prévenir, les empêcher, les sanctionner.
Agnès Aublet-Cuvelier : On a un travail important à faire d’analyse, d’exploitation, de mise en commun et de travail en interdisciplinarité avec les préventeurs mais aussi du côté de la recherche pour faire avancer ces questions de prévention de la santé des femmes et des hommes au travail.
Karen Messing : Je pense qu’il faut surtout s’intéresser à la question des rapports sociaux de genre à articuler avec la question de la santé au travail et surtout les inégalités sociales qui existent, qui ont un rapport direct avec la santé au travail. Être éveillé quand on regarde quelqu’un travailler, et à ce qu’il peut arriver à cette personne-là et comment la personne peut appréhender aussi ce qui lui arrive, et c’est quoi ses possibilités de défense contre les mauvaises choses qui peuvent lui arriver au travail.
Florence Chappert : Ce qu’on peut souhaiter, c’est que les partenaires sociaux s’emparent de ces sujets. Quand je parle des partenaires sociaux dans les entreprises, au niveau du dialogue social, aussi bien les représentants du personnel que les directions. En faire l’objet d’un dialogue sans tabou. Parce qu’en France, on est encore dans une vision idéaliste de l’égalité au sens de l’égalitarisme. Or, toute chose n’est pas égale par ailleurs. Oui, les femmes et les hommes ne sont pas dans les mêmes situations et conditions de travail.
Christelle Chambarlhac : Aujourd’hui, il y a encore beaucoup de travail à faire. Effectivement, les accords d’égalité professionnelle qu’on voit dans les entreprises, ils sont souvent insuffisants mais j’ai envie de dire que c’est un début. Et en tous cas, les choses progressent.
Photographie statistique de la sinistralité au travail en France selon le sexe
Deux constats majeurs
Les données ci-dessus, issues des études de la Dares et des enquêtes Sumer, amènent 2 constats :
- Une sous-évaluation de l’exposition aux risques et à l’usure professionnelle des femmes dans des emplois, métiers et secteurs à prédominance féminine (administratifs, services, soins, commerce…).
Ces métiers ont longtemps été considérés comme « légers » contrairement aux métiers dits « lourds » et à prédominance masculine (BTP, industrie, énergie…).
- Une prévention insuffisamment adaptée.
En témoignent les évolutions de la sinistralité pour les femmes qui progressent plus vite que leur progression dans l’emploi et ce aussi bien pour les accidents de travail et de trajet que les maladies professionnelles.
Comment agir ?
1. Comment établir un diagnostic et l'analyser ?
La première étape de la démarche préconisée par l'Anact consiste pour les entreprises à établir un diagnostic des écarts de situations entre les hommes et des femmes dans l’entreprise, à partir des données sociales de l'entreprise (BDES Égalité, Index,...). Cette analyse réalisée à partir des données chiffrées de l’entreprise constitue la première partie du diagnostic de situation comparée dont l’élaboration est obligatoire (RSE pour 50-299 salariés et RSC pour plus de 300 salariés).
- Pour vous aider à établir votre diagnostic, l'Anact vous propose l'outil gratuit Diag Égapro-index
2. Comment élaborer un plan d’action ?
Une fois le diagnostic établi, l’étape suivante consiste à rédiger le plan d’action. Celui-ci a pour objectif de réduire de façon concrète les écarts entre les femmes et les hommes. Il constitue la deuxième partie du rapport de situation comparée.
Pour réaliser le plan d’action, sélectionnez au moins 3 des 9 domaines d’action pour les entreprises de 50 à 299 salariés et au moins 4 des 9 domaines d’actions pour les entreprises de plus de 300 salariés : celui de la rémunération qui est obligatoire, et deux que vous choisissez en vous appuyant sur l’analyse du diagnostic.
Le plan d’action doit déterminer :
- des objectifs de progression,
- des actions permettant de les atteindre,
- des indicateurs chiffrés pour chaque action permettant d’en mesurer l’efficacité,
- et une évaluation du coût des mesures prises et leur échéancier.
Pour vous aider à conduire votre plan d'actions, l'Anact vous propose :
3. Comment négocier ?
Pour prévenir contre les inégalités professionnelles, les entreprises de 50 salariés et plus doivent être couvertes par un accord (ou, à défaut, par un plan d’action). Avant d’entamer la négociation, vous devez le transmettre :
- au comité d’entreprise (ou à défaut aux délégués du personnel)
- à la commission égalité professionnelle si elle existe dans l’entreprise
- aux délégués syndicaux.
Le rapport, modifié le cas échéant à la suite de la réunion du comité d’entreprise, est tenu à disposition de l’inspection du travail, accompagné de l’avis du comité, dans les 15 jours.
Pour parvenir à un accord, vous devez ensuite engager une négociation collective avec les délégués syndicaux en vous basant sur le diagnostic de situation comparée. Celui-ci porte sur au moins 3 des 9 domaines d’action pour les entreprises de 50 à 299 salariés et au moins 4 des 9 domaines d’actions pour les entreprises de plus de 300 salariés, la rémunération étant un domaine d’action obligatoire. Il doit comprendre des objectifs et des mesures permettant de réduire les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes.
4. Comment suivre et promouvoir votre plan d'action ?
Dernière étape de la démarche : assurer le suivi des actions définies dans l’accord ou, à défaut, dans le plan d’action unilatéral de l’employeur.
Ce suivi comporte 3 axes :
- La définition des modalités de suivi. Cette partie est assurée par la commission d’égalité professionnelle pour les entreprises de plus de 200 salariés. Pour les entreprises inférieures à ce chiffre, une personne est identifiée dans l’entreprise pour suivre les actions. Elle doit : définir les indicateurs de suivi pour chaque mesure du plan d’action, fixer le calendrier de suivi et prévoir des étapes de bilan chiffré sur la base des objectifs négociés.
- La réalisation d’une synthèse du plan d’action. Cette synthèse doit faire apparaître clairement les objectifs de progression chiffrés et les actions retenues, accompagnés des indicateurs chiffrés sur la situation respective des femmes et des hommes par catégorie socioprofessionnelle. Elle porte obligatoirement et au minimum sur les trois domaines suivants : le salaire médian (ou le salaire moyen), la durée moyenne entre deux promotions, le nombre de femmes et d’hommes occupant des fonctions d’encadrement ou décisionnelles.
- La promotion des actions. Une fois la synthèse réalisée, elle doit être affichée dans l’entreprise. À défaut, elle doit être diffusée par tout moyen adapté aux conditions d’exercice de l’activité dans l’entreprise. Le document peut par exemple être envoyé par mail aux salarié(e)s. Dans tous les cas, elle doit être mise à disposition de toute personne qui la demande. Enfin, elle doit être publiée sur le site Internet de l’entreprise, s’il existe.