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Collaborations intergénérationnelles : les enjeux de la transmission des savoir-faire d’expérience et de prudence

Visuel - cas d'entreprises

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La relation entre un novice et un expérimenté est un phénomène complexe qui ne peut pas être corsetée dans les formats pédagogiques traditionnels. L’apprentissage ne se limite pas non plus à l’appropriation du geste technique. Bien plus, il s’agit d’apprendre l’ensemble des facettes d’une activité, le rapport au client, les aspects gestionnaires ainsi que les dilemmes de l’activité, c’est-à-dire l’équilibre entre la création et les contraintes économiques.

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Qui ? 

L’Aract Lorraine a mené une action collective qui a réuni 5 métiers d’art : ferronnier, faïencier, peintre décorateur, tapissier d’ameublement, luthier. Cette action s’est appuyée sur le dispositif de formation « concepteur-créateur » du Centre européen de recherches et de formation aux arts verriers, soutenu par la mission lorraine des métiers d’art au conseil régional de Lorraine.

Les métiers d’art ont des enjeux forts autour de la transmission des savoirs d’expérience, entre tradition du geste et nouvelles technologies, et de développement économique au niveau national, voire international.

Quel était le problème à régler ?  

L’un des enjeux de la transmission évoqué par les artisans d’art est la continuité du savoir-faire du métier. C’est prévenir la perte d’expertise et les valeurs intrinsèques du métier. La perte d’un savoir-faire stratégique met en péril l’entreprise.

Même si l’enjeu de santé (usure professionnelle et pénibilité) est évident pour les artisans d’art, ce n’est pourtant pas celui qu’ils mettent en avant. Ils pointent les coopérations intergénérationnelles permettant le développement de la créativité, l’amélioration de la qualité et la préservation de la santé. Car les novices maîtrisent les nouvelles technologies, les nouveaux matériaux et les nouvelles tendances.

Qu’ont-ils fait ?  

De manière opérationnelle, l’accompagnement s’est fait en trois étapes:

• Analyser, dans les entreprises volontaires, les conditions concrètes des transmissions de savoirs, à l’aide d’outils méthodologiques (entretien (individuel et collectif et observation de situations de travail).

• Construire avec elles des échanges de pratiques pour renforcer les actions utiles. Ces phases collectives ont été réalisées avec deux cibles distinctes (dirigeant, apprenant).

• Diffuser à la filière des repères précis pour encourager les établissements à innover dans les pratiques de transmission et de développer les collaborations intergénérationnelles (reportage-documentaire en cours de réalisation).

1 )- Que transmet l’artisan d’art ?

Même s’il va plus facilement mettre en avant le geste - « le coup de patte » - et la technicité de l’outil ou de la machine, l’artisant d’art va aussi, implicitement diffuser la nécessaire relation entre le geste et le matériau (y compris ressentir la matière, son comportement durant le façonnement). On observe également qu’il a développé, au fil de son expérience, des « trucs et astuces » qui vont lui permettre de limiter les expositions délétères à la santé. .

Mais, au-delà du geste, l’artisan transmet les valeurs du métier, ce qui fait sens dans la réalisation de l’objet, la créativité, la patience, la sensibilité aux matériaux. Il apprend au novice à organiser son travail, à aller plus vite - « être rentable ». Sans oublier les compétences relationnelles. Par exemple, sur un chantier, les situations de transmission ne sont pas réservées qu'aux situations de travail « technique ». Elles se situent sur diverses situations non déterminées à l’avance et sont à régler dans l’immédiat, telle une visite inopinée du service territorial du patrimoine avec lequel il est nécessaire d’aborder des connaissances juridiques et historiques. De plus, pour faire « tourner la boutique », les activités administratives, commerciales et financières sont indispensables, chronophages et supposent une diversité de connaissances.

2 )- Comment transmet-il toutes ces compétences ?

L’artisan d’art transmet en utilisant ses sens. Il parle. Il montre, utilise son corps comme trait d’union entre l’outil et le geste. Par exemple, pour lui faire ressentir le mouvement, une ouvrière (40 ans d’ancienneté) dans la manufacture de faïencerie et expérimentée dans la technique du filage, ne trouvant plus les mots pour expliquer, s’installe derrière la novice, lui prend la main et ajuste le pinceau. Elle démarre alors la girelle et, main dans la main, elles procèdent au filage du vase.

3 )- Quelle place pour la collaboration dans la transmission ?

La relation entre l’expérimenté et le novice est importante. Ils se choisissent mutuellement. En prenant différents chemins. Nous en observons deux. Le premier relève plutôt de ce que nous appellerons l’« effet miroir ». C’est-à-dire, que l’apprenant et l’expérimenté ont un parcours scolaire et des centres d’intérêt similaires. Le second va résulter de valeurs déjà partagées et identifiées dans un parcours commun. Les notions de « volonté », de « motivation », de « passion », et de « bon feeling » sont citées par les deux acteurs qui se reconnaissent l’un l’autre dans ces dimensions relativement abstraites. Et la notion de « mentor » prend ici toute sa place.

Pour quels effets ?  

La principale conclusion de cette action concerne la mise en œuvre des dispositifs de transmission pour ces métiers. L’observation montre que l’apprentissage se produit ici en situation de travail, par la confrontation avec des événements auxquels font face en commun le novice et l’expérimenté. C’est la mise en situation et la constitution d’un stock d’expériences apprises en temps réel qui permet de faire progresser le novice. Dès lors, il peut sembler vain de caractériser l’apprentissage (et la transmission) comme une somme de moments pédagogiques clairement délimités et appris successivement par un stagiaire.

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