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Vers une organisation apprenante axée sur l'autonomisation et l'inclusion dans le secteur médico-social
Publié le 24/05/2023

A propos
Publié le 24/05/2023
Cette structure du secteur médico-social a été créée en 2012 et est gérée par l’APEI (Association de Parents d’Enfants Inadaptés du réseau Papillons Blancs). Sur le site, on compte deux établissements : un EHPAH (Établissement d’hébergement pour personnes âgées et handicapées) et un autre établissement nommé foyer d’hébergement (hébergement de jeunes travailleurs salariés des ESAT ont la moyenne d’âge est de 21 ans). Il importe de rappeler le contexte de la politique publique liée au handicap « de la prise en charge versus l’accompagnement de la personne » avec un objectif d’autonomisation des bénéficiaires valorisant la place de citoyen en lien avec une approche inclusive dans la société. Les salariés sont associés le plus en amont possible aux actions. C’est cette conception de l’accompagnement reposant sur les initiatives des « salariés acteurs » en concordance avec la vision stratégique de l’établissement qui se traduit de façon opérationnelle par des projets vecteurs d’apprentissage et de développement des compétences (pour le personnel et les résidents).
Le secteur et les métiers du handicap sont en constante évolution. L’enjeu est ici de transformer le fonctionnement de l’entreprise en donnant plus de pouvoir d’agir aux salariés pour plus d’efficacité et de meilleures conditions de travail. Ces évolutions font appel à une réflexivité et à une remise en question des pratiques pour pouvoir s'adapter aux différents publics, aux handicaps rencontrés et à l’objectif d’autonomisation. Cela représente en élément déclencheur d’une organisation dite « apprenante ». Le collectif s’appuie sur des temps d’échange et de concertation afin de faire évoluer les pratiques et de développer des compétences au regard des besoins liés à l’activité. L’organisation évolue ainsi pour s’adapter à l’activité, ce phénomène étant impulsé par les apprentissages réalisés par le collectif. Le foyer a souhaité questionner son fonctionnement et son organisation en écho à l’organisation apprenante qui intègre une conception du développement continu d’une organisation, de ses membres, de ses capacités et de ses compétences afin d’améliorer ou de créer son propre avenir (Kofman & Senge, 1993).
Des entretiens individuels et collectifs ont été réalisés auprès des directions et encadrements des structures, des professionnels métiers, des gouvernances et des représentants du personnel et des bénéficiaires accueillis ainsi que des usagers des établissements, cette dernière catégorie de personnels étant considérée comme co-développeurs de cette structure.
Les entretiens ont questionné le profil et le parcours des personnes interrogées, le contexte de l’entreprise et sa stratégie, l’organisation du travail, les besoins et les pratiques de développement des compétences, l’installation d’une dynamique d’apprentissage et d’ajustement des profils aux éléments conjoncturels, ainsi que les effets des politiques et pratiques décrites.
L’analyse met en exergue une approche ouverte sur l’extérieur : un écosystème d’acteurs (partenaires, membres des projets) permettant une fluidité des échanges et offrant des opportunités de partenariat (via les familles des résidents, l’engagement des résidents dans des activités locales, centre social, handisport…). Des suites des contacts pris avec l’extérieur, des salariés participent à des réunions locales, et il existe une forme de « délégation » et « d’association » à ces professionnels qui deviennent des acteurs identifiés localement. Il y a par ailleurs une visibilité de la structure via les salariés qui participent aux actions (personnel ne faisant pas forcément partie de l’encadrant). Concernant ce réseau de partenaires et financeurs, se met en place une traçabilité des contacts pour des mises en relation à venir (répertoire partagé) et un renforcement des attendus en conduite de projets. La dynamique relationnelle et partenariale locale permet de trouver des acteurs à associer comme partenaires ou financeurs des projets.
2 axes d’analyse sont identifiés :
1/ Le travail, la professionnalité et les parcours professionnels : une culture d’apprentissage
Il est fait le constat de la nécessité de disposer d’autonomie et de marges de manœuvre. La démarche implique une part d’expérimentation, élément essentiel de l’organisation apprenante.
Pertinence par ailleurs à disposer également de repères pour une graduation des acquis qui permette de travailler sur la montée en compétences et d’identifier des parcours professionnels, ce qui représente un chantier à ouvrir et construire dans un contexte où les recrutements s’établissent par statut pour nombre de personnels de terrain : éducateur, moniteur éducateur, AVS… faisant valoir le diplôme comme accès à la fonction et au métier.
Dès lors, si l’approche se fait par les compétences en lien avec les missions, comment évaluer et accompagner cette montée en compétences dans le cadre d’une organisation intégrante et apprenante (GEPP -GEstion des Parcours Professionnels-) pour des trajectoires professionnelles qui reflèteraient la personnalisation des parcours ?
La cartographie des compétences permettrait de repérer les compétences sensibles (à développer ou maintenir impérativement) pour que le système tienne. Des besoins d’outillages et de tableaux de bord pour la partie RH sont identifiés, car la question de l’identification des compétences et du recensement des compétences individuelles se pose comme priorité à court et moyen terme.
La direction souhaite également mettre un focus plus important sur le savoir-être (les « softs skills ») : « Nous nous apercevons que nous avons besoin de professionnels avec des valeurs humaines, de la bienveillance, de l’autonomie, des capacités d’innovation, de la capacité à échanger, à travailler en réseau, en équipes. L’expertise dans un domaine particulier est aussi à travailler : autisme, aides aux aidants… ». La gestion des connaissances deviendrait-elle une question de stratégie de survie, d’avantage concurrentiel et de création de richesse au moyen d’un capital invisible, le « savoir organisationnel ».
La transmission des compétences fait partie des enjeux majeurs en interne. La direction maintient une vigilance sur la pyramide des âges et les sorties naturelles (départs en retraite) et envisage un accompagnement au transfert des compétences. Cette problématique pourrait représenter un frein fort à l’organisation si elle n’était pas anticipée et gérée. Dans la même logique, la mutualisation des compétences peut apparaître comme un enjeu à venir (dynamique territoriale d’acteurs). A cela s’ajoute la montée en compétences pour accompagner la transformation, avec un élargissement possible à terme de l’offre de service (selon les projets du futur).
En matière de gestion de projets, le management (direction et cadres intermédiaires) souhaite également développer des compétences pour ses équipes et ses manageurs. Cela représente un enjeu fort de développement des femmes et des hommes et d’adaptation de l’organisation à son environnement dans le cadre de l’offre de services qu’elle porte. La démarche s’accompagne de régulations dans le processus de décisions et de priorisation.
2/ Le fonctionnement des organisations et la qualité des organisations et des accompagnements : une pensée systémique
Se pose ensuite la question des limites de cette dimension réflexive et de la remise en question perpétuelle des pratiques en termes de charge de travail et d’investissement des salariés. Du côté de la qualité des organisations, la démarche est révélatrice des conditions de travail et des axes de travail à développer en matière de prévention et de qualité de vie au travail, avec une centralité du rôle de l’encadrement de proximité (ce dispositif a permis de penser leur rôle d’accompagnement des équipes et des professionnel.le.s, et les conditions permettant déployer ce rôle). Des salariés impliqués dans des projets ont engagé des mobilités externes (réseau de partenaires et acteurs) ou encore postulé en interne pour rejoindre directement une équipe projet. Se pose la question de la pérennité de la dynamique apprenante suite à un éventuel départ des personnes ressources (transfert des compétences).
L’importance des collectifs de travail et de la discussion sur le travail est également soulignée. En effet, le manager ne dispose pas forcément de l’expertise technique qui est le plus souvent détenue par l’opérationnel, lequel devient expert sur la connaissance fine d’un environnement. En filigrane, se pose la question de la reconnaissance des acquis et de l’expérience et la écessité par ailleurs de travailler sur les processus d’intégration des nouveaux salariés ou agents, mais aussi de repérage des facteurs de risques d’usure professionnelle et l’érosion de l’engagement.
Enfin, les changements et évolutions du secteur et des missions génèrent possiblement un impact sur les politiques de rémunérations ; des attentes existent sur ce volet.
La dimension temporelle est citée comme une composante majeure avec laquelle il faut composer dans un cycle de développement des compétences. Les apprentissages nécessitent du temps et passer du faire (ex : cuisiner) à aider à faire-faire (ex : apprendre à l’autre à cuisiner dans une logique de transmission). Autre exemple, monter en compétences en gestion de projets s’accompagne d’une approche prenant appui sur une ingénierie des compétences à associer à une ingénierie financière (le temps passé à transmettre représente un coût pour la structure).
Les valeurs attachées au métier et au secteur d’activité dans une logique constructive de développement humain (cf. les travaux d’Estelle Morin sur le sens du travail et l’utilité sociale du travail), d’acceptation des différences et de bienveillance sont fortement ancrées au sein du collectif et semblent être un point de ralliement de l’ensemble des personnes interrogées. Ces valeurs partagées et son corollaire la vision partagée sont le point central de la perpétuation de l’organisation apprenante et s’inscrivent comme un déterminant de sa pérennisation.
L’activité dans sa logique d’adaptation à l’usager représente une démarche constamment renouvelée qui gagne à s’appuyer sur des réflexions et des prises de décisions collectives. Ces étapes participent à la construction de représentations partagées et au développement de compétences du collectif, à la sécurisation des actions et des projets.