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Industrie 4.0 : robotiser sans déshumaniser

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Cette unité d’un groupe mondial spécialisé dans la production d’emballages en plastique robotise une de ses lignes de production. Et se rend compte que les résultats escomptés ne sont pas à la hauteur du projet investi. Accompagnée dans le cadre du projet Industrie 4.0, l’entreprise réalise qu’elle a oublié la dimension humaine du projet de transformation…

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Qui ? 

Né d’un fonds d’investissements américain, RISCOVER[1] est un groupe à vocation mondiale offrant différentes solutions d’emballages plastiques à multiples usages (du médical à l’alimentaire en passant par des films de revêtement d’écrans mobiles). Aujourd’hui, l’activité Food et Pet-Food offre une plus grande rentabilité : la stratégie du groupe est donc de maintenir la branche industrielle tout en développant l’activité Food et Pet-Food.

Mais depuis 3 ans, la BU (Business Unit) de Firminy (qui compte 230 salariés) connaît une stagnation de ses résultats après une forte baisse. Néanmoins, sa profitabilité a augmenté régulièrement depuis 10 ans. Deux facteurs ont concouru à cette situation : la tenue de 2 PSE (plan de sauvetage de l’emploi) en 2007 et 2011, et la mise en œuvre de plusieurs démarches de performance (Lean Management, amélioration continue, robotisation/numérisation) qui ont permis de travailler sur les process, d’adapter les outils industriels et de professionnaliser les pratiques de travail.

Par ailleurs, RISCOVER possède une pyramide des âges inversée, et présente une forte pénibilité sur certains postes (avec reconnaissance d’AT) qui l’ont amené à conduire une action TMS en 2015/16. L’absentéisme sur ces postes ont fait que l’entreprise emploie un volant de 20/30 intérimaires en continu.

 

Le dialogue social est de qualité et l’entreprise a mis en place un observatoire des métiers qui travaille sur les évolutions attendues des modernisations à venir.

 
Quel était le problème à régler ?  

Aujourd’hui l’entreprise a la volonté de développer sa politique de robotisation/numérisation, notamment en logistique. Compte tenu des évolutions pressenties sur les métiers et les compétences, mais aussi des résultats décevants de certains projets (AGLAE[1]), démarches préalablement conduites, l’entreprise souhaite mieux préparer sa conduite du changement en organisant un retour sur expérience.

La demande auprès de l’Aract porte sur le projet AGLAE (installation d’un robot pick-up en fin de ligne sur une des 7 lignes de production de l’atelier sacherie tournant en continu – 5x8, avec des équipes de 20 personnes, et un contrôle qualité total par tranches d’1 heure). Cette ligne est entièrement dédiée à un client unique et produit des sachets pour l’activité pet-food (sachet avec ou sans Zip, fabriqué avec procédé innovant et récent : le sachet à fond plat).

L’objectif à court terme du projet était de fiabiliser la production (nouveau produit, raccourcissement des délais, augmentation de la qualité), de réduire la pénibilité (suppression de manutentions sollicitantes) et les coûts (suppression de deux postes d’opérateurs au profit d’un poste de contrôle).

L’investissement prévu était de 137K€ avec un gain espéré de 66,6 K€, avec un Capex (dépenses d’investissement), de 220K€ et un payback (délai de récupération) de 1,6 ans.

 

Après 14 mois d’implémentation, les résultats ne sont pas au rendez-vous : un investissement supplémentaire est consenti pour adapter la machine aux contraintes réelles (37K€), et en améliorer le taux d’occupation (de seulement 25%), un poste supplémentaire de contrôle et manutention est créé pour gérer la non qualité de l’emballage des produits (ramenant ainsi le nombre d’opérateurs en fin de ligne à 2 personnes). Les pertes sont estimées à 118 K€ et l’équipe projet, démotivée, a du mal à s’investir dans l’adaptation de la machine à la ligne d’une production pourtant considérée comme stratégique pour le futur de l’entreprise.

C’est dans ce cadre, que RISCOVER recourt au projet I4.h (Facteur humain et Industrie du futur) pour comprendre les raisons de ces résultats mitigés et en tirer des enseignements pour les changements à venir.

 

[1] idem

Qu’ont-ils fait ?  

L’intervention s’est appuyée sur :

• 13 entretiens et 20 personnes de toutes les fonctions concernées par le projet Zoé, entre autres :les directions industrielle, administrative et financière, ressources humaines, les responsables de production en pilotage de projet, le prestataire/fournisseur du Robot, les IRP, le responsable QHSE, le médecin du travail et des opérateurs.

• Des observations sur site sont menées sur les lignes de production dans l’atelier d’ensachage, dont la ligne dotée du pick-up fin de ligne.

• Une analyse de divers documents : RETEX AGLAE organisé en interne par le responsable amélioration continue, comptes rendus CHSCT, offre prestataire, plan d’installation, etc.

Par ailleurs, la restitution de cette première étude a été faite auprès de la direction (DI, DAF, DRH, responsable amélioration continue). Elle a donné lieu à un débat et l’identification de points de repères méthodologiques sur la conduite de projet de modernisation de rupture. La direction a ensuite restitué l’étude et ses conclusions à l’ensemble des salariés, aux membres du CHSCT, ainsi qu’à l’observatoire des métiers. Les points de repères ont été partagés et ont nourrit la conduite d’un projet reconception des flux en cours.

 

• L’étude a permis de souligner les points suivants :

- Stratégie : le déclenchement du projet ne s’est pas inscrit dans une vision globale industrielle y compris les tensions ou contradictions qu’il pourrait générer ; ce qui laisse à comprendre que l’ensemble des impacts (RH, sociaux, supply, qualité) d’une telle évolution technique n’ont pas été réfléchis en amont… en dehors d’éventuels facteurs biomécaniques.

- Gestion de projet : un projet qui ne répond pas aux canons habituels des projets RISCOVER (des rôles peu clairs, une faible structure projet, une absence de responsable de projet, un pilotage par les coûts et délais avec un ROI peu adapté) ; une vision techniciste du projet (choix technologique a priori : robotisation) ; des ressources et des besoins en compétences internes sous estimées ; des délais courts imposés par le ROI (Retour sur investissement) : pas de cahier des charges, pas de réelle consultation, une mobilisation reposant plus sur une logique d’information que d’engagement et de co-conception.

 - Organisation industrielle : la solution a été pensée « locale » sans analyse des impacts amont/aval sur la machine et dans l’atelier, sans buffer (système de protection des variations d’approvisionnements) ; les difficultés de mise en œuvre ont révélé des manques de maîtrise du process de fabrication non travaillés en amont ; des phases d’industrialisation, de ramp-up (l’augmentation de la production ferme avant les augmentations anticipées de la demande de produits) et d’ajustement minimisées.

 - Organisation du travail : non-prise en compte de l’activité réelle de l’opérateur : contrôle qualité, taclage qui s’adapte à la particularité de la machine et non l’inverse ; le doublement des effectifs en fin de ligne ; paradoxalement, des gestes potentiellement pathologiques (torsion, manipulation des cartons) demeurent.

- Compétences : la formation réduite à la manipulation machine ; pas de prise en compte des besoins en compétences, notamment pour la maintenance ; pas de technicien dédié à la manipulation du robot.

 

• Ces éléments révèlent les contradictions suivantes :

 - Un projet important inscrit dans une stratégie de groupe, mais mené sous forme d’action locale d’amélioration.

- Une logique de test et d’apprentissage avant déploiement, mais avec une exigence de ROI à court terme.

- Un projet affirmé, mais avec des moyens contraints (budget, calendrier) et une relative absence de véritable gestion de projet).

- Une approche essentiellement technologique, sans questionnement sur les compétences nouvelles associées (maintenance).

- Un impact fort attendu sur l’Homme, mais sans prise en compte du travail réel.

- Un projet souhaité rapide et court, mais qui s’enlise et que l’on n’arrive pas à conclure.

- Un résultat vu au mieux comme mitigé, une suite incertaine, et pourtant des attentes toujours fortes en matière de robotisation.

- Au final : une occasion manquée d’apprentissage sur des changements technologiques stratégiques ; avec de réels points positifs (forte dynamique et attentes internes)

 

• Face à cet état des lieux du projet et de sa mise en œuvre à ce jour, les points d’améliorations sont les suivants :

- Vision projet à revoir: donner du « sens » aux investissements.

- Gestion de projet à revoir:

intégrer des personnes de terrain (maintenance, régleurs, etc.) dans les décisions d’achat ;

- retour sur investissement : définir les indicateurs pertinents et contrôler ;

- reprendre « confiance » dans le robot pour désigner une personne en charge de finaliser ce projet ;

 - Dans le futur : désigner un référent « industrie 4.0 » (suivi, et contrôle des projets).

 

• L’expérience RISCOVER montre les risques qu’encourt une PME dans une démarche 4.0 :

- Absence de vision stratégique au profit d’une vision technicienne et locale (il ne s’agit pas de conserver, d’investir ou de développer un marché, mais d’améliorer le triptyque coûts/qualité/délais).

- Absence d’adaptation des indicateurs de décisions et de pilotage (ROI, etc.).

- Rigueur relative dans la gestion d’un projet vécu comme une amélioration et non une transformation technologique majeure (pas de structure projet, ramp-up/ajustements minimisés, etc.).

- Faible prise en compte du facteur humain réduit à ses facteurs bio-mécaniques.

 

Ces éléments fragilisent une politique de modernisation qui peut réclamer des investissements importants au risque de mettre en danger la survie de la PME.

Pour quels effets ?  

Dans le cadre du projet Industrie 4.h, l’entreprise RISCOVER[1] souhaitait bénéficier d’un retour d’expérience après un projet d’automatisation (installation d’un robot pick-up en fin de ligne – projet AGLAE[2]) n’ayant pas apporté les résultats escomptés.

Ce retour visait à tirer les apprentissages d’une conduite de projet de modernisation dans un contexte plus global de développement d’une politique de robotisation/numérisation, notamment sur l’activité logistique.

 

L’analyse a montré des faiblesses dans la conduite de projet : pilotage flou, non-prise en compte amont des contraintes techniques et des conditions de réalisation réelles du travail, gestion insuffisante des relations fournisseurs (absence de cahier des charges), faible participation des opérateurs.

Pour autant, les aspects stratégiques du projet ont bien été pris en compte : nécessité d’améliorer le service client, la qualité et les délais ; information du personnel sur cette politique de performance, consultation des IRP, etc.

 

Cette expérience révèle la tendance des PME à considérer la robotisation comme une simple optimisation ne nécessitant pas :

  • de revisiter un process là où la technique renforce les disfonctionnements existants et réduit les marges de manœuvre ;
  • de conduire des projets dans une logique de co-conception avec les fournisseurs et les opérateurs, prenant ainsi la pleine mesure des changements induits (conception et intégration) ;
  • d’intégrer une bonne prise en compte des aspects humains au-delà des préoccupations biomécaniques de pénibilité (évolution des métiers, adaptation des pratiques de management, renforcement de la transversalité et dépendance interservices, etc.).

de revisiter les outils de gestion/pilotage de façon plus globale/plus long terme du fait des phases de ramp-up souvent plus longues que prévu (ROI, Capex, PayBack, TRS, etc.).

 

[1] Le nom de l’entreprise et du projet ont été changés

[2] idem

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