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Agir sur la polyvalence et la reconnaissance : une autre façon d'apprécier la valeur du travail

Cas entreprise Mecabourg

A propos

Secteur d'activité
Effectif
La situation économique de cet atelier de retouches subit de plein fouet les effets de la crise financière. En même temps, depuis quelques années, les salariés - presque toutes des femmes - développent des TMS… une situation dont la direction s'est peu préoccupée. Pourtant, il est urgent d'agir. Un rapide diagnostic des situations de travail va permettre d'identifier des pistes d'amélioration.

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Qui ? 

Cette entreprise réalise des retouches de vêtements pour le compte de commerces de détail de l’habillement de l’agglomération lyonnaise. Son niveau d’activité durant l’année est rythmé par celui de ce secteur, avec des pics en début de saison et pendant les périodes de soldes ou de promotions. Après une période de croissance au début des années 2000, sa situation économique s’est dégradée sous l’effet de la crise économique et d’une concurrence accrue.

Après un plan social en 2009, elle emploie 46 salarié-e-s dont 36 ouvrières à l’atelier de retouches, principalement d’origine étrangère ; une dizaine est en congé parental d’éducation.

Quel était le problème à régler ?  

L’entreprise est confrontée depuis un certain temps à des problèmes de santé au travail, en particulier de TMS, qui n’ont été que peu pris en considération jusqu’à présent par la direction, surtout préoccupée par les difficultés commerciales et de gestion. La reconnaissance de deux TMS comme maladies professionnelles, l’instruction en cours d’un troisième dossier, changent néanmoins la donne. A la demande d’une représentante du personnel, la direction accepte un diagnostic court réalisé par l’ARACT et une consultante ergonome.

Qu’ont-ils fait ?  

L’intervention se concentre sur le service de retouches et sur celui de réception et d’expédition des vêtements. Ces deux services occupent un atelier commun où se font les tâches de réception et de tri, de préparation (essentiellement découdre les vêtements), de coupe, de couture (retouche de taille, ourlets, pose de boutons, etc.), puis de contrôle final avant la livraison.



Elle fait ressortir une longue liste de facteurs favorables à la survenue des TMS. L’aménagement de l’ensemble des postes, tout d’abord, laisse beaucoup à désirer et entraîne en permanence des postures pénibles (bras tendus, en hauteur, buste en avant, jambes coincées…) : hauteur des tables de préparation des vêtements ou de couture inadaptée au travail à réaliser ou à la taille des ouvrières, barres sous les tables empêchant de s’approcher de la tâche à réaliser, sièges non adaptés, encombrement de l’espace de travail, etc. L’atelier occupe par ailleurs un ancien entrepôt, mal isolé et éclairé et particulièrement mal adapté au travail de couture.



L’activité même de travail, ensuite, est éprouvante physiquement. Elle comporte de nombreux gestes répétitifs, sur des cycles très courts et avec des périodes de « sur-sollicitation » au moment des soldes. Elle s’accompagne aussi de port de charges lourdes, de manière évidente pour les postes de réception et d’expédition, mais bien réelle aussi pour les postes de couture en fonction des saisons, du poids des vêtements et des tâches réalisées telles que les retouches de vestes ou de manteaux.



Toute une série de contraintes sont, elles, liées à l’organisation de la production et du travail. Les postes sont spécialisés par type d’opération. Certains postes sont particulièrement pénibles, tels que la préparation, le repassage, la couture des vêtements épais et lourds. Une solution consisterait à agir sur l’organisation du travail en introduisant une polyvalence pensée en terme d’économie physique pour diversifier les gestes et limiter la durée d’exposition des salariées aux pénibilités les plus fortes. Mais la mise en place d’une telle polyvalence, facilement envisageable sur plusieurs postes, viendrait perturber l’arrangement productif bien rodé aux yeux de la maîtrise de l’atelier, justement basé sur la spécialisation de chaque ouvrière et qui conduit le petit nombre ce celles qui sont actuellement polyvalentes à cumuler les postes les plus pénibles. Avant même d’envisager la question des apprentissage nécessaires pour tenir les différents postes, c’est la question de la reconnaissance de la polyvalence qui devrait être posée et, à travers elle, celle de la valorisation même du travail.



Or celle-ci est est problématique. Du côté de la direction comme de nombre d’ouvrières domine une représentation du travail qui en minimise la dureté, les habiletés et les savoir-faire mis en œuvre. Cela se traduit aussi bien dans l’estimation des risques faite dans le Document Unique, que dans la classification des ouvrières ou encore dans l’espèce de tolérance aux mauvaises conditions de travail qui pourtant, vues de l’extérieur, sautent aux yeux. Comme si le travail restait ici dans un angle mort.



Bref, la situation illustre, à la manière d’un miroir grossissant, l’hypothèse qui s’applique à nombre d’emplois occupés par les femmes, a fortiori pour celles d’origine étrangère : l’invisibilité et la non reconnaissance du travail, des conditions de travail et d’emploi, autant de phénomènes auxquels une analyse en terme de genre conduit à être attentif.

Pour quels effets ?  

Le diagnostic proposait tout d’abord des solutions très concrètes et paraissant être à la portée de l’entreprise pour améliorer l’aménagement des postes de travail.

L’intervention visait aussi à mettre en débat dans l’entreprise les questions de santé au travail, y compris avec le médecin du travail, et de poser le lien entre santé, travail et organisation du travail : une information sur les TMS à la direction et à la hiérarchie ainsi qu’à l’ensemble des salariées, la constitution d’un groupe d’ouvrières de l’atelier pour valider les constats et les pistes de solutions, le suivi de l’intervention par le CHSCT ont permis d’avancer dans cette voie, de pointer la limite des seuls aménagements matériels des postes de travail et la nécessité de travailler sur la polyvalence et la reconnaissance du travail.

A travers ces deux derniers points, elle a enfin ouvert la discussion sur la place et l’appréciation de la valeur du travail dans cet univers d’emplois occupés par des femmes.

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