Articuler dialogue social et dialogue professionnel : « un levier extrêmement fort pour agir sur les conditions de travail »
Pouvoir parler de son travail contribue à lui donner du sens et permet de relier les questions de santé et d'efficacité. C'est ce que l'on appelle le dialogue professionnel. Mais comment le caractériser ? Et comment l’organiser pour qu’il vienne nourrir le dialogue social ? Retour sur le webmagazine « Redonner du sens au travail en organisant le dialogue sur la qualité du travail ».
Actualité - Publié le 08 décembre 2023 - Modifié le 12 juin 2024
La présentation de l’étude paritaire de Réalités du Dialogue Social (RDS) et des retours d’expériences d’articulation dialogue social et dialogue professionnel ont permis à Marianne Salvetat Bernard (RDS), Laurent Tertrais (CFDT Cadres), Matthieu Pavageau et Clément Ruffier (Anact) d'échanger de l'intérêt de développer le dialogue autour des questions du travail, dans les équipes et dans le dialogue social.
Matthieu Pavageau (Anact)
« Créer les conditions qui permettent de s’exprimer et d'agir sur le travail, dans le cadre du dialogue social ou d’autres formes de dialogue, c’est un levier pour concilier les questions de santé des personnes et d’efficacité des organisations ; c'est également un levier pour penser l’avenir de l’entreprise. Car pour relier ces différents sujets, il faut une bonne compréhension du travail et des expériences de travail. C’est stratégique pour l’entreprise et pour l’évolution des rapports sociaux au travail. »
Laurent Tertrais (CFDT Cadres)
« Il y a un besoin de reconnaissance du quotidien. Trouver un sens au travail, c’est pouvoir raconter ce que l’on fait, ne pas agir en silence, avoir un retour (…), sinon on se sent dépossédé. Et c'est important de parler de la qualité du travail. Dire que la qualité du travail, ce n'est pas seulement une question de résultats et que chacun est autorisé à en parler, autrement dit que la qualité du travail appartient à tous, c'est en soi un progrès.»
Matthieu Pavageau (Anact)
« La mise en en place, dans l’entreprise, de discussions sur ce qui se passe au travail afin d'en tirer collectivement des enseignements fait nécessairement appel à une volonté, une conviction qu’on est aussi là pour apprendre ensemble. Elle implique de pouvoir aller chercher l’expérience là où elle est : sur le terrain (…). C’est un enjeu : des études européennes montrent qu’en France on a du mal à passer à une vitesse supérieure sur la mise en place d’organisations apprenantes qui s'appuient sur de tels fonctionnements. »
Marianne Salvetat Bernard (Réalités du Dialogue Social) :
« Sur des terrains d'entreprises "accidentées", poser la question de la qualité du travail permet d'avoir accès à une discussion et rendre possible une première étape de dialogue. "
« Il est ressorti de nos interviews qu'il y a pourtant peu de négociations portant sur la qualité du travail. Nous avons tout de même relevé quelques initiatives intéressantes en réalisant une analyse d'accords QVCT. Elles concernent, par exemple, la mise en place d’espaces de discussion sur le travail, des réflexions sur le rôle du management, des accords collectifs qui traitent du contenu du travail, des entretiens annuels innovants intégrant la valorisation des métiers... En matière de dialogue social, nous avons également noté des initiatives portant sur la possibilité d'expérimenter de nouveaux fonctionnements, d'utiliser des outils d'intelligence collective, des modalités d'enquêtes de terrain ou encore des retours d'expérience. »
Clément Ruffier (Anact) :
« Il faut penser la manière dont les différents lieux de dialogue vont s’articuler dans l'entreprise. L'organisation la plus courante ce sont des formes de dialogue professionnel (qui permettent de traiter du travail et des conditions dans lesquelles il est réalisé) encadrées par le dialogue social. Cela permet de poser des gardes-fous, de s’assurer que tout le monde participe, de créer cette confiance qui va permettre aux salariés de s’impliquer. Les espaces de dialogue professionnel vont alors nourrir les espaces de dialogue social qui deviennent destinataires de ce qui ressort du dialogue professionnel, mais il faut clarifier en amont le rôle de chaque instance. »
Laurent Tertrais (CFDT Cadres)
« Mais concrètement si le chef d’établissement ne veut pas entendre parler de ces articulations entre dialogue social et dialogue de travail, ça ne peut pas se faire, s’il y a une organisation syndicale qui n’est pas convaincue de se plonger dans le cambouis de l’organisation quotidienne de l’activité, ce n’est pas non plus la peine de le faire, si les encadrants n’ont pas les moyens et marges de manœuvre pour pouvoir faire remonter ce qui se dit sur le terrain, il ne faut pas y aller… Explorer l’ensemble des conditions de travail c’est ouvrir une boîte de Pandore donc il faut y être prêt, prêt à discuter de tout ce qui fait l’activité au quotidien.»
« Si une négociation est bien faite, si les acteurs s’emparent du quotidien et écoutent l’activité réelle - ou les conditions de l’activité réelle, on peut mettre en place quelque chose d’intéressant.»
Étude « Le dialogue social au service de la qualité du travail »
Pour cette étude de terrain publiée en octobre 2023, Réalités du Dialogue Social a mené une enquête paritaire tous secteurs confondus. 33 entretiens ont été réalisés avec des représentants de salariés, des personnes titulaires de mandats d’élus ou mandats syndicaux et avec des dirigeants, directions de ressources humaines ou directions de relations sociales.
Aller plus loin
- Consulter le replay du webmag « Redonner du sens au travail en organisant le dialogue sur la qualité du travail ».
- Les échanges des Rencontres du CESE sur le thème « Le Travail dans tous ses états »
- Le référentiel QVCT de l’Anact
- Le rapport présentant les résultats des Assises du travail 2023
- Participation, performance et conditions de travail : ce que disent les enquêtes