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Arnaud Coulon (Aract IDF) : "La dimension managériale de la prévention est trop absente du secteur des services à la personne"

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Arnaud Coulon, directeur adjoint, explique les raisons pour lesquelles l’Aract Ile-de-France a conçu un outil d’e-learning sur la prévention des risques spécialement dédié au secteur des services à la personne.

Pouvez-vous nous dire ce qui a motivé votre projet ?

"A l’issue du dispositif Thetis mené avec l’ANSP [NDLA : dispositif d’accompagnement des organismes de services à la personne, piloté par l’ANSP de 2008 à 2010], l’Aract a fait le constat que la question des conditions de travail avait été encore très peu investie par les structures de services à la personne. Pour ces organisations, la prévention n’est pas encore véritablement une priorité. Or c’est un secteur qui cumule les expositions aux risques : pénibilité physique, épuisement professionnel, émiettement du temps de travail, multiplicité des lieux de travail, séniorité... Le tout dans un cadre de travail très particulier : le domicile du bénéficiaire. Cela entraine une gestion difficile des ressources humaines, marquée par du turn-over, de l’absentéisme et des remplacements difficiles à assurer."

Il existe des obligations règlementaires en matière de prévention. Ce secteur y échapperait-il ?

"Disons que c’est un secteur où la prévention des risques est une préoccupation encore trop récente. Les structures et leurs fédérations prennent bien des initiatives mais il reste encore beaucoup à faire. D’une part, il se caractérise par la difficulté à avoir des instances de représentation du personnel compte tenu de la très petite taille des structures qui le composent. Ces organismes se sentent souvent éloignés des services de santé au travail. Les intervenants ne bénéficient, de ce fait, pas de suivi, et les dirigeants, eux, n’ont pas d’appui technique. D’autre part, le DUERP (NDLA : Document unique d’évaluation des risques professionnels, obligatoire depuis 2001) est là pour répondre aux exigences réglementaires, mais il est, le plus souvent, sous-traité, rarement abouti et peu opératoire.  Enfin, l’offre de formation sur le sujet est associée aux formations « Gestes et postures ». Ce qui est insuffisant pour un projet à dynamique pérenne.

On est face à un secteur où il y a une quasi totale absence d’organisation des ressources sur un sujet continuellement repoussé. Et pourtant, les dirigeants d’organismes se révèlent soucieux d’assurer, auprès de leurs bénéficiaires, une qualité de service et ont bien conscience que cela passe par une certaine qualité de vie au travail."

Sur les 4 modules que compte l’outil, 3 sont destinés aux managers. Pour quelle raison ?

"Nous avons constaté que les encadrants de proximité détenaient un rôle déterminant dans l’organisation du travail. Or, ils ont des profils très hétérogènes et souvent pas de formation spécifique pour être chefs de secteur. Il n’existe pas de référentiel d’activité stable les concernant, alors qu’ils forment une courroie de transmission essentielle. La dimension managériale de la prévention n’apparaissant nulle part, il était urgent de faire des propositions."

Le secteur compte près de 2 millions de salariés. Comment pensez-vous pouvoir toucher le plus grand nombre ?

"Il nous paraît essentiel que se construise une véritable stratégie de branche en matière de prévention.

Ces modules ont été conçus dans le cadre d’un projet régional financé par la DIRECCTE Ile de France, le Conseil régional Ile de France, l’ANACT et le FSE. Ils sont mis à la disposition des entreprises, avec le soutien des fédérations professionnelles et de leur OPCA. Ils peuvent être également diffusés aux Services de Santé au Travail, aux organismes de formation et de conseil, aux Conseils généraux ou à tout autre acteur du secteur.

Pour étendre le périmètre de diffusion, nous sommes actuellement en discussion avec la Commission paritaire nationale emploi formation (CPNEFP) dans l’idée de rejoindre une offre de formation existante pour arriver avec des modules complémentaires et faire en sorte que cela devienne un sujet prioritaire. Un des scenarii vise à ce que l’OPCA achète cette ressource et la diffuse à l’échelle nationale. Mais il faut des moyens pour cela et les besoins de formation pour le secteur sont importants par-delà le domaine de la prévention."

Avez-vous des premiers retours ?

"Au niveau des entreprises elles-mêmes, de grandes organisations du secteur ont d’ores et déjà acheté les modules. Pour certaines, la réflexion tend à proposer un parcours de formation spécifique. Pour d’autres, le parcours peut être encapsulé dans une démarche globale d’amélioration des conditions de travail. Dans tous les cas, la prise en main de l’outil passe par son intégration dans un parcours de formation."

NDLA : Pour informer les acteurs du secteur, l’Aract Ile-de-France organise, dans le cadre de la 9e Semaine de la qualité de vie au travail, un séminaire, le 26 octobre 2012, intitulé : « Qualité de Vie au Travail dans le secteur SAP : quelles démarches pérennes de Prévention des Risques Professionnels ? »

 

Propos recueillis par Maud Annic, Mission Veille et management de l’information

 

Pour en savoir plus :

Accéder aux modules e-learning "Prévention des risques professionnels Services à la personne"

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