Appel à contributions « Travailler sur et avec l’IA : quels effets sur le travail et les travailleuses et travailleurs ? »

MG : Depuis son origine, l’Anact travaille sur l'introduction des nouvelles technologies dans les milieux de travail et leurs effets sur le travail. Nos méthodes et outils sont d'ailleurs conçus pour intégrer le plus tôt possible l'enjeu de l'amélioration des conditions de travail dans la conduite de ces projets.

À distance d’un déterminisme technique, l’Anact considère toute introduction de nouvelles technologies comme un projet autant technique que social. L’introduction de nouveaux outils techniques, appelée aujourd’hui transformation numérique, ne se fait pas en dehors de tout contexte, de toute histoire, de toute dynamique ou de toute condition sociale.

Le déploiement d’un même outil dans des organisations similaires ne produit pas exactement les mêmes effets, et cette variation ne tient pas aux caractéristiques techniques de l’outil, mais aux spécificités des dynamiques organisationnelles et sociales, tant en matière de conception que de déploiement des outils.

L’intérêt de l’Anact pour l’intelligence artificielle s’inscrit ainsi dans cette perspective. L’IA est un sujet qui traverse l’ensemble des secteurs et des professions. Nous assistons aujourd’hui à une accélération de son intégration dans le monde du travail, que ce soit à travers l’automatisation des tâches, la gestion algorithmique ou encore les systèmes d’aide à la conception ou à la décision.

L'intelligence artificielle soulève de nombreuses questions : quels effets sur les conditions de travail, le contenu et l’organisation du travail, quels effets sur les métiers, les identités professionnelles ? Comment réguler les développements et usages pour développer un cadre de travail favorable à la santé et à la qualité du travail ? La Revue des conditions de travail nous a semblé le support idéal de réflexion et d’analyse sur ces enjeux, permettant de croiser différentes disciplines et approches.

Il est encore difficile de mesurer l’ampleur des changements à venir, mais oui, il est certain que l’IA ne se limitera pas à un simple gain de productivité. Et si la focale a longtemps été mise sur l’emploi et notamment sa destruction, les débats sont plus riches aujourd’hui considérant davantage les effets de l’IA sur le marché du travail et les transformations profondes des activités de travail, des métiers.

Nous voyons déjà des secteurs où l’IA prend une place prépondérante : la santé, la finance, ou encore l’industrie. Dans le même temps, ces technologies génèrent de nouvelles opportunités d’emplois, redéfinissent certains rôles professionnels, impliquent de nouvelles manières de coopérer, de répartir le travail, de développer des expertises professionnelles.

L’un des grands enjeux sera d’accompagner ces transformations pour qu’elles ne se fassent pas au détriment des travailleurs. C’est pourquoi il est crucial de documenter et d’analyser ces évolutions dès maintenant et de concevoir des modes de régulation adaptés.

Ce numéro souhaite alimenter le débat et donner des clés de compréhension aux acteurs du travail. Leur permettre de décrypter l'ensemble de la chaîne de production et d'introduction des applications à base d'intelligence artificielle dans les organisations : fabrication et développement d’applications à base d’IA, place de ces applications dans les tâches, usages effectifs et effets sur les conditions de travail. L'objectif est aussi d'interroger la capacité des organisations, des collectifs de travail et des individus au travail à être acteurs de ces transformations sociotechniques.

Nous aimerions enfin voir aussi des analyses portant sur les inégalités que l’IA pourrait exacerber, générer, mettre en évidence ou atténuer : accentuation des écarts entre travailleurs, concentration du pouvoir entre les mains de ceux qui maîtrisent ces technologies, ou encore impact sur la diversité et l’inclusion.

Pour cela, nous recherchons des contributions issues du monde de la recherche ou des pratiques de terrain : analyses théoriques, études de cas, retours d’expérience ou témoignages professionnels. L’important est d’apporter un éclairage rigoureux et original sur les transformations à l’œuvre. 

Nous espérons recevoir des propositions variées et stimulantes. Ce numéro vise à nourrir la réflexion collective sur un sujet qui nous concerne toutes et tous. Si vous avez une analyse, une expérience ou une recherche à partager, n’hésitez pas à répondre à notre appel. Nous voulons des contributions engagées, ancrées dans le réel, qui permettent de comprendre les enjeux et de développer la capacité des organisations et des collectifs de travail à garder ou (re)prendre la main sur les processus de transformation de leur travail.