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Usure professionnelle : l’Anact présente ses actions lors du colloque Emploi des 50 +

Le 29 avril dernier le Ministère du Travail a réuni entreprises, institutions et experts pour promouvoir l’emploi des seniors. Invitée, l’Anact a présenté son approche de l'usure professionnelle et ses réalisations.

Actualité - Publié le 05 mai 2025 - Modifié le 15 mai 2025

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Colloque ministère travail seniors

La situation des femmes expérimentées

Florence Chappert, responsable de la Mission Égalité Intégrée à l'Anact, est intervenue lors d'une séquence animée par Isabelle Moreau (directrice de la rédaction AEF Info).

Pouvez-vous nous dresser un panorama des femmes 50 ans + .

F.Chappert : Bonjour. À l'Anact, il y a 15 ans, quand nous travaillions sur la gestion des âges, nous avions constaté que la question des femmes et des hommes était absente. On le constate encore aujourd'hui, mais c'est en train de changer. On déplore le fait qu'il y a peu de travaux qui croisent les dimensions de sexe et d'âge.

En matière d'emploi, l'enquête DARES « Les seniors sur le marché du travail » (2023), montre que les femmes de 55 à 64 ans sont un peu moins nombreuses que les hommes à occuper un emploi ou à être actives. Leur taux d’emploi est de 57,2 % contre 59,7 % chez les hommes, et leur taux d’activité atteint 60,4 % contre 63,1 %. Un écart de moins de 3 points qui reste significatif.

Mais point remarquable, le taux d'emploi des femmes seniors est dans la moyenne européenne alors que celui des hommes seniors est inférieur de plus de dix points. Donc il y a eu une progression très importante pour les femmes. Ce qui est plutôt une bonne chose. Mais ces travailleuses expérimentées sont davantage en temps partiel, en situation de sous-emploi, temps partiel subi le plus souvent, et avec une grande précarité, donc des emplois moins stables.

Il y a une corrélation très forte entre les conditions de travail et la capacité des personnes à rester en activité.

Florence Chappert, responsable de la Mission Égalité Intégrée à l'Anact

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Photo agent Anact Florence Chappert

Le rapport du CSEP « Les femmes seniors dans l’emploi » (2019) montre qu’on retrouve deux tiers des femmes dans les secteurs d'activité qui seront toujours très présents en 2030, c'est-à-dire concentrés sur le secteur du soin, de la santé , de l’aide à la personne, du gardiennage ou nettoyage, ou encore dans les activités de secrétariat, saisie, comptabilité, ou de vente dans le secteur du commerce.

Cette ségrégation des emplois selon le sexe se renforce dans la dernière partie de la vie professionnelle : les femmes ont une palette de métiers et d’emplois plus restreinte qu’en début de carrière.

En matière de conditions de travail, un point important : il y a une corrélation très forte entre les conditions de travail et la capacité des personnes à rester en activité. 

Par ailleurs, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à exprimmer qu’elles ne pourront pas continuer à travailler jusqu’à la retraite dans les mêmes conditions, au même poste ou dans le même métier.

Vous avez des exemples ?

Oui. Certaines conditions de travail accélèrent ce processus de difficulté à rester au travail, à vieillir au travail. En fin de carrière, les femmes sont autant exposées que les hommes sont à certaines contraintes de travail pénibles : rester longtemps dans une posture fatigante, porter des charges lourdes, travailler dans l'urgence, être exposé à des changements organisationnels fréquents.

Comme les caissières de supermarché, qui ne choisissent pas leurs horaires ?

Oui. Sont particulièrement concernés les métiers en contact direct avec le public. On peut se poser des questions sur l'évolution du compte professionnel de prévention. Il concerne pour 25 % des femmes. Du coup, il faudrait réfléchir à d'autres critère des pénibilité qui concernent les métiers à prédominance féminine.

J'ajoute qu'en matière de sinistralité, on a très peu de données qui croisent sexe et âge. À 60 ans, une femme a autant de risques qu'un homme d'avoir un accident de travail.

Nous manquons encore d'éléments sur la réalité des maladies professionnelles avec l'avancée en âge : troubles musculosquelettiques, cancers du sein dus au travail, ou encore souffrance psychique. Il faut aussi prendre en compte le risque de discrimination lié à l'âge, qui impacte plus les femmes que les hommes.

Quels leviers pour prévenir l'usure professionnelle, favoriser le maintien en emploi ?

Matthieu Pavageau, directeur technique et scientifique de l'Anact, est intervenu lors d'une table-ronde animée par Nicolas Lagrange, rédacteur en chef, AEF info.

Quelle est l'approche de l'Anact qui appelle en général à avoir une approche systémique et qui défend beaucoup l'idée de se pencher sur la soutenabilité du travail ?

Matthieu Pavageau : Bonjour à tous. Merci pour votre question. Sur l’approche de l’Anact, il est important, peut-être dans la suite des tables rondes précédentes, de se dire qu'il y a un enjeu fort aujourd'hui à agir en direction des petites et moyennes entreprises qui n'ont pas les moyens des grandes entreprises. C'est un enjeu pour nous de les appuyer.

Quelqu'un a dit précdémment « il faut investir le sujet. Il faut y mettre les moyens ». On peut dire la même chose pour la question du travail. Nous, notre sujet c'est le travail, ce sont les situations concrètes que connaissent les travailleurs et travailleuses dans leur métier, dans leur passion. Le travail, c'est une oeuvre collective, on y contribue tous. On souhaite pouvoir bien le faire.

« Investir le travail, c’est aujourd’hui pour nous la condition pour prévenir l’usure professionnelle. Cela doit s’envisager plus largement que la seule question des expositions et des facteurs de risque. »

Matthieu Pavageau, directeur technique et scientifique de l'Anact

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Matthieu Pavageau

Les conditions à réunir sont nombreuses pour pouvoir bien faire le travail. Pour nous, c'est ça qu'il faut investir, il faut se donner les moyens de prendre le temps de comprendre ce qui se passe dans le travail. Il faut aider les acteurs à le faire. Quand on n'a pas de service RH, pas de préventeur dans l'entreprise, eh bien, il faut pouvoir s'appuyer sur quelques recommandations, bonnes pratiques et réunir les conditions pour les mettre en oeuvre.

Quand on parle d'usure professionnelle, pour l'Anact le sujet c'est « investir le travail », ça doit s'envisager un peu plus largement que la seule question des expositions à des facteurs de risque ou à la pénibilité. Ça doit être envisagé de manière systémique. Il faut s'intéresser aux risques professionnels, à ce que deviennent les modes de production dans un contexte où on a les transitions : l'intelligence artificielle, le climat. Certains secteurs sont plus impactés que d'autres.

On a aussi des inégalités d'exposition notamment entre les femmes et les hommes, etc. Il faut le prendre en compte. Il faut s'intéresser globalement à la trajectoire de l'entreprise.

Nicolas Lagrange : Si on vient sur ce sujet de l'usure professionnelle, j'ai retenu quelques chiffres, notamment de Santé Publique France qui dit que sur les maladies professionnelles décomptées en 2023, 9 sur 10 sont liées à des troubles musculosquelettiques.

Quels points d'appui peut-on prendre en entreprise pour aborder le sujet ? Quel type de discussion engager ?

Matthieu Pavageau : La question de l'usure doit pouvoir faire l'objet de concertation. Pour aller chercher les causes de ces résultats-là on sait qu'on a besoin de se renforcer très fortement en France sur notre capacité à nous concerter sur les conditions de réalisation du travail.

C'est valable quand on veut pouvoir prévenir les risques mais également quand on veut, pour des personnes qui sont en difficulté, pour lesquelles il faudrait ajuster l'organisation du travail pour pouvoir être en activité et pouvoir se refaire un peu la santé. Ça, ça suppose des conditions, une capacité à se concerter.

On a un certain nombre de  productions, des outils, des rapports qui mettent ça en évidence. On essaie d'être au service des entreprises pour qu'elles puissent étudier les conditions  de prévention  primaire, d'aller regarder ce qui crée ces problèmes dans le travail. Quand on a des TMS, ça devient très vite un problème mental quand on éprouve une fatigabilité.

Nicolas Lagrange : Matthieu Pavageau, pour conclure cette séquence,  Il y a des intervenants spécialisés, mais ce n'est pas pléthorique.

Quelques mots sur l'appui que vous pouvez fournir aux entreprises ? Vous diffusez des outils dont les entreprises peuvent se servir en autonomie ?

Matthieu Pavageau : Pour l'Anact, il faut pouvoir investir les sujets des relations professionnelles et la qualité de la coopération. Il existe des dispositifs pour cela. Notre enjeu, c'est notamment de pouvoir accompagner les situations difficiles. Ça repose beaucoup sur la qualité managériale, sur la vision qu'a l'entreprise des rapport sociaux. On l'a rappelé hier lors de la journée mondiale de la  santé et sécurité au travail, si on peut se saisir de cela avec les managers, ça fait la différence.  

On agit à l'échelle du territoire. Il y a des acteurs  avec lesquels on travaille sur les territoires avec les entreprises, aussi en inter-entreprises pour investir les enjeux travail très concrets en relation avec des enjeux stratégiques : la production sur le territoire, son avenir la filière.

Deuxième niveau, une filière. Une intervention dans l'entreprise. Il faut poser le problème en semble, avoir les mots pour le dire, ça peut être un bon point d'appui pour continuer le travail. Récemment, on a mis à disposition des acteurs des ressources, des outils par exemple pour pouvoir se situer face à cette question complexe d'accompagnement des carrières, de l'usure, des actifs expérimentés.

C'est un outil d'autodiagnostic ?

C'est un autodiagnostic en ligne concernant l’emploi et les conditions de travail des seniors. Les entreprises peuvent l'utiliser en 10 minutes pour commencer par se situer, se poser les bonnes questions... On a une série d'outils qui existent depuis longtemps, un guide pratique d'accompagnement des situations complexes, par exemple le retour après un arrêt long, pour éviter les situations de rupture qui peuvent générer beaucoup de difficultés et des chiffres qu'on connaît, mais aussi pour prévenir en portant un regard sur les parcours de santé au travail des travailleurs.

Le colloque complet

L'intégralité du colloque « Emploi des 50+ Le passage à l'action » est disponible sur le site travail.gouv.fr.