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Le management du travail, point aveugle des formations des managers

Apprendre à manager le travail

La place du management du travail dans la formation des ingénieurs et cadres est très insuffisante. C’est le principal constat d’une enquête menée par l'Anact dans le cadre du projet « Apprendre à manager le travail ». Un rapport avec des propositions sortira en janvier 2017.

Le lien avéré entre organisation du travail et apparition des risques psycho-sociaux a conduit le réseau Aract-Anact à faire l’hypothèse que les managers étaient insuffisamment préparés aux fonctions de conduite des équipes et des transformations. Dans le cadre de son contrat d’objectifs et de performance 2014-2017, L'Anact a donc lancé à l’échelle nationale l’initiative « Apprendre à manager le travail ». Objectif : impulser une évolution de la formation initiale et continue des dirigeants, managers, ingénieurs pour qu’ils prennent mieux en compte les enjeux du travail et des conditions de travail des salariés. De novembre 2015 à juin 2016, plus d’une centaine de personnes ont été auditionnées : cadres et dirigeants d’entreprises, DRH, responsables de formation initiale et continue, partenaires de l’enseignement supérieur, chercheurs. « L’objectif était de vérifier l’hypothèse initiale au travers d’un recueil des besoins et pratiques des entreprises et d’un état des lieux de l’offre des écoles, universités et organismes de formation continue », explique Florence Chappert, chargée de mission et pilote du projet à l’Anact.

Le management du travail, essentiel à la QVT

Dans les entreprises, les managers interrogés font bien le lien entre qualité de vie au travail (QVT) et manière d’organiser et de manager. Et tous considèrent que le manager de demain devra s’y prendre autrement à cause de la transformation numérique, qui amène de la transversalité et du collaboratif, des aspirations nouvelles des jeunes générations et aussi de l’internationalisation des échanges. Interrogés sur leur formation aux questions de management du travail, ils sont quasiment unanimes : jamais cela n’a été abordé dans leur école, y compris chez les plus fraîchement diplômés. Certains avouent d’ailleurs les difficultés qu’ils ont rencontrées en se retrouvant à la tête d’équipes importantes ou face aux organisations syndicales.

Des cursus initiaux peu ouverts aux sciences sociales et humaines

Les auditions dans les établissements d’enseignement supérieur ont confirmé ce constat. « Alors que les ¾ des ingénieurs occupent des fonctions hiérarchiques ou de chef de projet, ils sont très peu formés aux sujets de management. En dépit de la volonté de la Commission des Titres d’Ingénieur d’inclure davantage de sciences sociales et humaines, ces matières ne représentent qu’une très faible part de l’enseignement, sauf exception », observe Florence Chappert. Un constat à nuancer par deux aspects positifs dans le cursus des écoles d’ingénieurs : le développement de la pédagogie par projet qui permet d’apprendre à travailler en équipe et le stage ouvrier obligatoire en première année, même si l’organisation du travail n’est pas toujours un point abordé dans le rapport de stage.

Dans les business schools, la part donnée au management des hommes est – à quelques exceptions près - étonnamment faible voire même en diminution. Les matières comme la sociologie des organisations, le management RH ont eu tendance à disparaître au profit de sciences plus quantitatives : finances gestion, marketing, logistique, etc. « Dans ces écoles censées former des managers, manager n’est toujours pas considéré comme un métier et comme un travail à part entière », constate Florence Chappert. Dans les instituts d’administration des entreprises (IAE), écoles de management universitaires, la part des enseignements en sociologie des organisations, de la GRH est plus importante, du fait de leur proximité avec l’université.

Diffuser les pratiques innovantes

En formation continue, le management relève souvent du développement personnel. Les formations se font toujours en lien avec des transformations d’entreprise et concernent majoritairement les managers de proximité. Une tendance émerge, cependant : travailler la posture du manager sur toute la ligne hiérarchique, de manière cohérente. Un rapport devrait sortir en janvier 2017 qui effectuera la synthèse de cet état des lieux et proposera des recommandations, illustrées notamment d’initiatives innovantes repérées tant en formation initiale que continue. Il sera diffusé auprès des réseaux professionnels d’influence (Centre des jeunes dirigeants, Association nationale des DRH, etc), des partenaires et groupements d’écoles et d’université (CGE, IESF, réseau Ingénium, FNEGE,…). Le réseau Anact-Aract accompagnera les équipes pédagogiques d’organismes de formation initiale et continue souhaitant intégrer des contenus et une pédagogie adaptée pour innover dans la manière de concevoir, organiser et manager le travail. D’ores et déjà, le réseau participe à l’élaboration d’un MOOC* avec l’école de management EM Lyon.

* Massive open online course : cours en ligne ouvert à tous

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